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12 mars 2014 3 12 /03 /mars /2014 13:49

Quand j'étais petite, je passais mes mercredis chez ma grand-mère. J'aimais par dessus tout monter dans le grenier pour retrouver Nicole, une poupée magnifique. Le jouet favori de ma mère étant petite.
J'aime cette poupée, son visage de porcelaine, ses cheveux bruns légèrement frisés et sa robe de dentelle fine.
Je l'aime tellement, je voudrais qu'elle soit à moi, mais Grand-mère refuse qu'elle quitte le grenier sous prétexte qu'elle est trop fragile et que je suis trop jeune. Mais aujourd'hui j'ai 17 ans, je suis grande et j'ai décidé d'emporter Nicole à la maison. Grand-mère ne s'en apercevra pas de toute façon, elle ne peut plus monter au grenier à cause de ses genoux.


J'ai élaboré un plan pour m'emparer de mon trésor au nez et à la barbe de Grand-mère et aujourd'hui je le mets à exécution.
Ma mère emmène Grand-mère faire des courses. Je me retrouve seule chez elle avec le champ libre. Vite, direction le vieux grenier. J'avale les marches deux à deux, muée par un sentiment de peur et d’excitation. J'ai une boule au ventre, mes mains tremblent et ma respiration se fait plus rapide. C'est un vol que je commets... Non. De toute façon, Grand-mère aurait fini par céder et me l'aurait offerte. Je ne fait qu'anticiper ses actes.


J'arrive enfin, ces marches m'ont semblé interminables. Je suis un peu essoufflée. Sûrement à cause du stress. Le grenier est sombre, il n'y a jamais eu d'électricité dans cette pièce. L'unique source de lumière provient d'une lucarne partiellement couverte d'un drap. Seuls quelques rayons aveuglants filtres à travers ce linceul, ils sont tout juste suffisants pour effacer les ténèbres et transformer les ombres immobiles en objets réels. Ce grenier est bien rempli.
Je me met en quête de la poupée parmi les formes se découpant dans l'obscurité et les ombres rebelles. Enfin, elle apparaît. La voici, assise sur une grande malle rouge. Elle m'attend, immobile, me fixant de ses yeux de verre.
La poussière s'est accumulée au fil des années. Je commence à épousseter les vêtements de la poupée, puis ses cheveux. C'est alors qu'un détail m'interpelle. En examinant la tête de plus près, je remarque une sorte de pli sur les cheveux et une marque sur la tempe, semblable à de la colle sèche et sombre. Ces marques semblent avoir été laissées par un couvre-chef. La poupée doit avoir un chapeau. Quelle nouvelle ! Si je retrouve ce chapeau, la poupée n'en sera que plus belle.
Ravie de cette découverte, je pars à la recherche du trésor. Je remue l'opacité du grenier, retourne les fripes, ouvre les boîtes... Rien. Seule la poussière qui s'élève au fur et à mesure de mes recherches. J'abandonne. Dommage. Je me dirige vers la poupée, la soulève. Elle est si légère.



Pourquoi n'y ai-je pas pensé ?
La malle rouge...
Mais oui, toutes les affaires de Nicole doivent s'y trouver. Seulement, il faut une clé pour l'ouvrir.
Je ne veux pas abandonner aussi près du but. Il doit y avoir un moyen d'ouvrir cette malle. J'examine le coffre et remarque que les gonds sont simples à démonter. Je me mets au travail et en quelques minutes la malle cède et livre enfin ses secrets.
Un fabuleux trésor apparaît devant mes yeux ébahis.
Des robes de dentelle, une dînette en porcelaine, quelques peluches vieillissantes...Mais pas la moindre trace d'un chapeau. Je poursuis mes recherches. Au fond de la malle, je tombe sur un tas de tissus teintés de marron et de rouge. Les tissus sont rêches, comme si de la peinture avait séché dessus. Je tire un morceau et l'étends devant moi. Ce bout de tissu se révèle être un t-shirt sale, moucheté de taches sombres avec une petite fleur brodée. Le même genre de vêtement que portait ma mère quand elle était enfant.
J'attrape à bras le corps ce tas de tissus pour le sortir de la malle. Au moment où je le soulève, j'entends tomber quelque chose sur le sol. Je me penche. Je ne distingue qu'une forme dans le noir. J'étends le bras dans les ténèbres pour me saisir de l'objet.
Il s'agit d'un carnet d'écolier portant le nom de ma mère. Cédant à la curiosité, je l'ouvre et commence à le lire.
Les premières pages contiennent des exercices d'écriture, des dictées et des problèmes de calculs.
Puis l'écriture change. Les pages sont remplies de mots très serrés rendant la lecture difficile et la pénombre du grenier n'arrange rien. Néanmoins, je parviens à déchiffrer ces pages :


« Je veux vivre.
J'ai peur, peur de mourir.
Je ne veux pas mourir.
J'ai réussi à lui voler son carnet et son crayon.
Je veux qu'on vienne me sauver.
Je ne sais pas depuis combien de temps je suis enfermée ici. Il fait noir et j'ai peur.
J'ai pourtant cru que ce n'était qu'un rêve au début, je me souviens que je suis allée au lit, mais je me suis réveillée ici, dans le noir.
Une femme vient me voir, Elle me parle, Elle a dit que maintenant j'étais ici, que ici, c'est ma maison. J'ai pleuré au début, je lui ai dit que je voulais rentrer chez moi, Elle m'a frappé, Elle m'a fait mal, très mal. J'ai pleuré en silence.
J'ai obéi pour ne plus avoir mal.
Quand Elle n'était pas contente de moi, elle me faisait mal, Elle plantait ses aiguilles dans mes bras et parfois dans mon cou.
Une fois Elle m'a frappé à la tête, Elle a frappé fort, je me suis réveillée plus tard dans le noir, seule.
J'ai froid.
Je veux ma maman.
Elle a à manger des fois. Elle me parle et si Elle est contente de moi et si je suis sage, je peux manger.
J'ai obéi parce que j'avais faim.
Je n'arrive plus à pleurer pourtant mon cœur me fait mal, mes bras aussi.
Elle est venue. Elle avait des vêtements bizarres pour moi. Elle a dit d'être sage et de mettre la robe.
J'ai obéi parce que je ne voulais pas avoir mal.
Puis Elle est venue avec une petite fille triste. Elle l'a laissé avec moi.
J'avais moins peur avec elle. Elle a parlé, elle a dit qu'elle voulait jouer.
J'ai dit oui pour ne plus être seule.
Elle voulait jouer à la poupée, mais il n'y en avait pas. Alors elle a dit que je serais la poupée et elle, elle serra la maman.
Je veux ma maman.
Je veux ma maison.
J'ai accepté pour ne plus être seule dans le noir.
On a joué longtemps, puis je me suis endormie. A mon réveil, la petite fille n'était plus là.
J'ai pleuré.
J'avais peur seule dans le noir.
Elle est venue et Elle m'a fait mal. Elle a dit que j'avais été méchante et désobéissante. Elle m'a fait mal en parlant. Elle a dit que je ne devais pas parler, pas bouger et surtout, obéir.
La petite fille est revenue. Elle avait l'air triste encore. Elle m'a prise dans ses bras.
Je n'ai pas bougé parce que j'avais peur.
Je n'ai pas bougé parce que je ne voulais pas avoir mal.
On a joué à la poupée. Puis elle est partie.
La petite fille est revenue plusieurs fois. Parfois elle amenait à manger. Mais ça n'était jamais assez pour moi.
J'ai faim.
J'ai froid.
Maman.
Une autre fille est venue. Elle pleurait doucement. Ses lèvres étaient bizarres, grosses et un peu bleues.
Elle est arrivée en même temps que cette autre fille. Elle l'a installée à coté de moi, puis Elle est partie.
La fille n'a pas bougé, elle ne m'a pas regardé.
La petite fille triste est revenue. Nous avons joué ensemble, la fille à coté de moi tremblait.
Le lendemain, la fille à coté de moi dormait encore. Elle ne sanglotait plus.
Elle est venue, Elle a pris la fille à coté de moi dans ses bras et Elle est partie.
J'ai froid et j'ai très faim, et soif aussi.
Je veux qu'on vienne me chercher.
Je veux ma maison.
La petite fille, elle avait l'air heureuse. On a joué, mais elle n'avait pas apporté à manger aujourd'hui.
J'ai sommeil.
Je n'arrive plus à pleurer.
Je veux rentrer.
Venez me chercher.
Personne ne viendra me chercher.
Le crayon est de plus en plus petit, j'ai mal aux doigts.
Ma robe ne me tient pas chaud.
Quand la petite fille vient, on joue. Mais je n'entends plus quand elle parle. Je la vois à peine. Elle n'apporte plus à manger.
Je suis triste.
Mes yeux me brûlent, ils sont secs, je ne pleure pas, je ne peux plus.
Mes oreilles bourdonnent.
On joue.
J'entends sa voix, elle m'appelle :


Nicole,

Nicole.

Ce n'est pas mon nom.

Nicole,

Nicole.

C'est moi ?

Nicole,

Nicole.

Tais toi !


Nicole,

Nicole.

Oui ?

Nicole,

Nicole.

Je suis Nicole.

Nicole,

Nicole.

Je suis ta poupée.

Nicole,

Nicole.

J e s u i ... »


Horrifiée par cette lecture, je regarde la poupée.
Je veux en être sure.
J'arrache le drap miteux de la lucarne et approche la poupée de la lumière.
Je lui retire sa robe et relève ses cheveux.
A ce moment, un frisson d'horreur et de dégoût me parcours l'échine.
La belle peau blanche n'est pas de porcelaine mais d'os. Les magnifiques yeux de verre ont perdu leur éclat. Ils sont maintenant vides et me fixent dans une ultime supplication.
Ce n'est plus un joli visage que je contemple, mais un crane humain serti de peau.
Sous la robe, au niveau de l'abdomen, apparaissent des restes d'organes momifiés par le temps.
Les marques sur sa tête et sa tempe ne proviennent pas d'un chapeau, mais du coup qu'elle à reçue et qui lui a fait perdre connaissance.
Je me relève brutalement et lâche la poupée.
Je veux sortir d'ici.
Je recule mais mon pied heurte quelque chose.
Je tombe à la reverse. Ma main s'agrippe à ce qu'elle peut, la grande tenture qui recouvre le mur. Elle cède sous mon poids, découvrant des étagères.
Des dizaines d'yeux se braquent sur moi, des sourires crispés, de la dentelle.
Des poupées.
Semblables à Nicole.
Je ne pu retenir des larmes d'effrois et je vomi.
Dans ma terreur, je n'ai pas entendu les pas feutrés de ma Grand-mère qui monte les escaliers.

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22 février 2014 6 22 /02 /février /2014 14:43

Chers internautes, une musique circule sur le net : elle s’appelle bonnenuit.mid et est trouvable assez facilement. Mais ne la cherchez pas, et ne l’écoutez surtout pas. Vous sombrerez dans la folie ou mourrez. Et la deuxième solution est la meilleure, croyez-moi.

Je suis remonté le plus loin possible dans l’histoire de cette musique. Enfin, de ce fichier plus particulièrement. La musique en elle-même est une musique très ancienne. Assez mélancolique, douce et calme. Mais elle est néanmoins dangereuse. J’ai détecté des fréquences étranges, inaudibles, mais qui auraient une incidence sur le cerveau. Je sais bien que des centaines de creepypastas parlent de ce genre de trucs, mais cette fois-ci, c’est bien réel. J’ai vu des gens mourir de folie sous mes yeux.

Voici la musique en question. J’ai pris soin de retirer toutes les fréquences néfastes, mais faites attention quand même, évitez d’écouter ça avec un casque : http://sd-2.archive-host.com/membres/up ... nenuit.mid

Vous l’avez sans doute reconnue. Cette musique est une des plus connues du PAF. Pour les plus jeunes, ou même ceux qui ne connaîtraient pas, c’est la musique de fin de Bonne Nuit Les Petits, un programme court suivant les aventures de Nicolas et Pimprenelle, frère et sœur, qui reçoivent la visite chaque soir du Marchand de Sable et de Nounours, son acolyte. Ils se racontent des trucs, puis ils se couchent, Nounours ferme leur lumière, et ils repartent dans le ciel. Voilà.

En remontant le long de l’histoire du fichier, je suis arrivé au post sur un site de streaming d’une vidéo contenant cette musique. Elle avait été posté par un utilisateur appelé « claydu » (le créateur de Bonne Nuit Les Petits se nomme Claude Laydu). Dans la description de la vidéo, il y avait ceci de marqué :

journal a idées 25 juillet 2011
episode de bonne nuit les petit
se brosser les dents
nicolas et pimprenelle chantent
nounours méchant
méchant nounours
eteint la lumiere
couteau nounours faché
marchand qui allume l’étoile des enfants
NOUNOURS FACHÉ
etoile brule fait fondre enfants
PAS CONTENT
NOUNOURS ÉCHELLE
POM POM POM POM
nuage s’envole
bonnenuit.mid
fin



La vidéo a été postée le 25 juillet 2011, soit 4 jours avant la mort de Claude Laydu. Elle consistait juste en un écran noir, accompagné par la musique. Mais en la regardant plusieurs fois (son coupé, bien entendu), j’ai distingué de petits flashes. À l’aide d’un logiciel, j’ai stoppé sur ces images furtives : tout ce qu’on voyait était des photographies d’un corps mutilé. À côté de ce corps, deux poupées, le visage fondu. Sur une des photos, on distinguait clairement un pyjama bleu et un pyjama rose. L’habit habituel de Nicolas et Pimprenelle. Et la dernière photo a été celle qui me fit prendre conscience de la rage et de la puissance contenue dans ce fichier son : le visage du corps mutilé, déformé par la colère, était clairement visible. Et il s’agissait de celui de Claude Laydu.

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22 février 2014 6 22 /02 /février /2014 14:41

C'était durant un mois de Janvier, un mois de Janvier sombre et brumeux, je venais juste d'emménager dans mon nouvel appartement, au 2ème étage .

Les premières journées de travail dans mon nouveau commissariat furent épuisantes (autant à cause des deux heures de transport en commun que de mes bizutages à répétitions) .
Un jour, alors que j’étais de retour chez moi encore plus tard que d'habitude je lançai un coup d’œil à la photo de mon ex-petite amie, je décidais de me servir un bon verre de rhum, de l'avaler cul-sec, et de me mettre au lit ...

Une heure ... et deux bouteilles de rhum plus tard, j'étais toujours éveillé, avec ma dernière bouteille de rhum presque vide dans ma main droite et la photo de mon ex dans celle de gauche, mais arrivant à cour de rhum je ne tardais pas à sombrer dans un sommeil troublé .

Cette nuit la je rêvais que j'étais enfermé dans une armoire à laquelle quelqu’un mettait le feu, à travers les interstices de la porte j’entendais des suppliques et des gémissement presque inhumains et distordus par la douleur que portait cette voix .

Je me réveillai d'un sursaut après ce rêve pour le moins troublant et je ne sais toujours pas pourquoi, mais j'eus le réflexe salvateur de m'élancer vers ma lampe de chevet, comme si je sentais une entité fantomatique prête à bondir sur moi, je tâtonnai de ma main sur l'étagère pour la trouver, mais à ma grande stupeur lorsque je tins l'interrupteur, je sentis une main glaciale se poser sur ma jambe, heureusement pour moi en un clic la lumière apparut et fit se réfugier le fantôme dans une étrange vieille armoire brûlée .

... C'était la première fois que je la remarquais . Je considérais ce qui venait de m'arriver quand soudain un grincement venant de l’intérieur de l'armoire se fit entendre, pour une raison qui m’échappe encore aujourd'hui à, a cet instant je fis un pas, un deuxième grincement vint, je fis un deuxième pas, un troisième grincement me heurta, j'en fis un troisième, et ainsi de suite .

Les grincements se faisaient de plus en plus fort au fur et à mesure que je m'approchais .
Quand le treizième grincement retentit il ne me fallait plus qu'une chose à faire, une chose que je redoutais plus que tout au monde, mettre ma main sur la poignée de l'armoire, ... Et l'ouvrir .

Lorsque je l'ouvris l'ampoule de ma lampe de chevet éclata, mais j'eus le temps d’apercevoir une masse noire brûlée et difforme, elle me bouscula et m’assomma en me faisant heurter la tête contre le sol .

À mon réveil l'armoire était toujours là, je m’élançai pour aller chercher la concierge de l’immeuble, après lui avoir raconté mes mésaventures elle s’effondra en larme et elle m'expliqua que sa fille était l’ancienne locataire de mon appartement et qu'elle était morte il y'a 4 mois dans ce dernier, d'asphyxie après s’être réfugiée dans une armoire lors d'un incendie .

Lorsque que nous fûmes arrivés dans ma chambre l'armoire avait disparu et c'est là que je remarquais que mon appartement avait lui aussi un numéro, le numéro 3 ....

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22 février 2014 6 22 /02 /février /2014 14:35
Dans une région montagneuse de France, non loin d'un lac gelé, se trouve un bâtiment d'une hauteur et d'une largeur gigantesque. Son architecture était décorée d'ornements et de courbes rappelant le style Mucha ; ainsi que de pierres colorées... Tous ces détails mènent à penser à un patrimoine historique unique en France. En réalité il s'agit l'orphelinat Pléiade.

Par ailleurs, vers la fin de la journée d'hiver, un homme proche du lac le longeait lentement en direction de l'orphelinat. Il était couvert d'une longue cape de couleur bleu royal. La capuche cachait son visage, car il savait que les légers flocons annonçaient l'arrivée d'une tempête de neige. L'homme pressa le pas pour arriver au bâtiment. Enfin, il s'arrêta devant la porte, sortit un trousseau de clés et l'ouvrit. L'intérieur était spacieux, et l'individu, après avoir verrouillé l'entrée, se dirigea vers un des escaliers. Il monta jusqu'au troisième étage et s'engouffra dans un couloir. L'endroit comportait de nombreuses portes, numérotées de 300 à 399. Mais il savait où se trouvait la porte qu'il cherchait. Il stoppa sa marche devant la chambre 333. Il n'eut même pas à sortir la clé : la porte était entre-ouverte. Il pénétra de-dans.
L'homme ne sembla pas surpris de l'état de cette chambre. Et pourtant, la pièce était dans un désordre chaotique. Des vêtements sales traînant par terre, un lit sans couverture et un matelas éventré... Mais surtout on voyait d'énormes tâches d'encres au sol et en abondance et des murs blancs souillés par des graffitis de couleur noire.
L'homme ne sembla pas attacher une grande importance à ces détails et s'avança vers le lit. Il fouilla à l'intérieur du trou du matelas et en sortit un grand carnet en cuir caché de-dans. Ce dernier possédait une petite serrure. Cela n'empêcha pas l'homme d'y tourner une petite clé. Un clic indiquait que cela fonctionnait. Il commença à en lire le contenu. Voici ce qui était écrit...



Jour 10 du mois de septembre 201x

Bonjour, carnet. Je me nomme Joël et j'ai perdu mes parents pendant les vacances d'été. Ils voulaient juste se reposer et profiter d'un moment d'intimité ; surtout que tout deux étaient médecins et n'avaient que peu de jours de repos. Et je l'ai compris sans même qu'ils me l'expliquent. C'est pour cela que j'ai refusé d'aller avec eux : ils manquaient de temps pour être entre-eux.
Le jour de leur départ, ils prenaient un car en direction de l'Auvergne. Le transport, pour éviter de percuter une voiture en sens inverse, a brusquement tourné à gauche. En plein dans le précipice d'une montagne. Le conducteur et tous les passagers sont mort dans l'accident. Lorsque ma grand-mère répondit au téléphone et apprit cet accident funeste, elle tomba à genoux. Sa fille et son beau-fils, de brillants médecins vivant à la campagne, la fierté locale, c'était terminé pour eux.
Il ne restait plus que moi, la honte familiale. Ma grand-mère me hait, et cet accident n'arrangea pas nos liens. J'ai même entendu dire, le jour des funérailles, qu'elle aurait voulu que ce soit moi qui y soit passé à leur place. En plus, les préjugés sur moi avaient fait le tour de tous les invités, et ces derniers me lançaient des regards noirs.
Tout cela est lié à mes intérêts : je préfère lire et écrire plutôt qu'étudier les sciences. Depuis la mort de mes parents, je n'ai pas pu parler de mes souffrances. Je ne peux plus faire confiance à personne, et mes parents me manquent. Je me sens mieux, écrire sur tes feuilles m'a soulagé. Ma grand-mère m'appelle, je reviens plus tard.

Jour 11 du mois de septembre 201x

Que d'événements depuis hier ! Après être descendu au salon, ma grand-mère m'annonça que j'irai dans un orphelinat, et que je devais me dépêcher de faire ma valise car le conducteur qui m'y emmène m'attendait déjà dehors. Je pris donc l'essentiel : habits, nourriture... puis rangea tout mon matériel d'écriture (et toi, bien sûr !) dans mon sac à dos. Dès que je me retrouvai en bas avec mes bagages, ma grand-mère me poussa dehors et referma la porte d'entrée à clé. Pas même un adieu... Tant pis.

Quand je vis le véhicule en face de ma maison, je fus surpris. Une voiture. Pas celle avec un moteur, celle avec deux chevaux. Je m'approchais, perplexe. Le conducteur, sympathique, prit mes bagages et me demanda de monter dans le véhicule. Une fois à l'intérieur, je constatais qu'il y avait trois autres passagers. Deux filles et un garçon. Je m'assis à côté de ce dernier. Aucun de nous, au départ, n'osait parler. Puis mon voisin se présenta en premier après le démarrage du véhicule.

Il s'appelle Sami Perdrix. Il a quinze ans et a perdu son grand-père depuis peu. Sa tante, qui devait le prendre en charge, abandonna l'idée et l'inscrivit à l'orphelinat Pléiade. Il aime jouer du violon, écouter tout genre musical et danser. Il est grand, un peu musclé, des cheveux blonds et courts, les yeux bleus et la peau bronzée. Il porte souvent des vêtements sportifs et décontractés. Il a l'air amical, très jovial, parle avec enthousiasme, et surtout paraît sincère.

L'une des deux filles prit le relais.
Elle se nomme Léna Silvestre. Elle a seize ans, et n'a jamais connu un seul membre de sa famille. Elle vivait dans un autre orphelinat et, comme elle aime les cours d'histoire et d'astronomie, elle a demandé au directeur de la transférer à celle de la Pléiade. Elle réussit à le convaincre. Elle est brune et frisée, les yeux verts, plutôt svelte. Métisse de peau, elle a tendance à s'habiller comme un homme : elle craque facilement sur les chemises et les cravates. Elle semble plutôt intelligente et sympathique, articule les mots sans exagérer, et surtout a l'air fiable.

La deuxième fille eut du mal à débuter sa présentation.
Elle porte le nom de Cloé Pichoux et a douze ans. Sa famille était riche, jusqu'au jour où son père, patron d'une grande entreprise, se pendit. Il avait accumulé une dette énorme et désespérait à trouver une solution. Sa mère est morte dès sa naissance. La nouvelle épouse de son père, ne voulant pas s'occuper de Cloé, l'a envoyé à cet orphelinat. Elle a de longs cheveux châtains et des yeux noisettes. Elle est un peu ronde, la peau blanche. Catholique, elle aime sa religion ainsi que le chant. Elle est très féminine avec ses longues robes à motifs mignons et ses chapeaux. Elle est timide, bégaye énormément, mais surtout doit être gentille.

J'étais le dernier à me présenter. Vu que je ne t'ai pas tout dit sur moi, je vais en profiter pour le faire.
Je suis donc Joël Lecanu, treize ans. Comme tu le sais, ma grand-mère m'a jeté à la rue après m'avoir inscrit à l'orphelinat, suite au décès de mes parents. J'ai les cheveux roux et assez courts bouclant, les yeux gris. Ma peau a tendance à rosir, et je suis gros. J'aime lire les poèmes et les épopées médiévales, et j'écris de la poésie. J'ai des habits simples et amples pour cacher mon obésité. Je me considère comme calme, peu bavard, mais surtout sensible.

Oups, je reviens très vite te raconter le reste !

Plus tard...

Enfin, je suis de retour !
Donc, après nos présentations, on discuta de tout et de rien ; parfois on riait des jeux de mots de Sami, parfois on débattait de sujets sérieux avec Léna, parfois on parlait de nos goûts grâce à Cloé, et parfois je leur lisais mes poèmes. En dessous des sièges, il y avait de quoi manger pour cinq jours, on put donc se restaurer facilement. À un moment, fatigués, nous nous endormîmes. Mais dès le réveil on recommençait le bavardage. Puis, après dix heures de voyage, le véhicule s'arrêta et le conducteur nous informa qu'on était arrivé.
Lorsque je sortis du véhicule, un tout nouveau paysage s'offrit à moi. Les montagnes enneigées, un lac avec l'eau limpide et un peu de verdure... Une nature magnifique. Je le contemplai quelques minutes, puis allai rejoindre mes nouveaux amis. L'orphelinat Pléiade m'éblouit par ses détails artistique, mais aussi par son énorme taille. Il est comparable à un immeuble de dix étages. Mes camarades avaient réagis de la même manière. Le cocher nous ouvrit la porte et nous demanda d'entrer, bien qu'il ne puisse pas nous accompagner à l'intérieur car occupé à monter nos bagages. Le hall était tout aussi gigantesque et colorée que la façade.

On reçu la bienvenue de neuf femmes et de deux hommes. Elles se présentèrent d'abord : Calliope (professeur de poésie épique), Clio (professeur d'histoire), Érato (professeur de chant), Euterpe (professeur de musique), Melpomène (professeur de tragédie), Polymnie (professeur de rhétorique), Tepsichore (professeur de danse), Thalie (professeur de comédie) et Uranie (professeur d'astrologie). Elles ont des noms peu communs, mais elles sont accueillat. Les hommes donnèrent leur nom et métier : Drasnor, directeur de l'orphelinat, et Yalleb, vice-directeur. Ils devaient être occupés, car ils s'excusèrent de devoir s'éclisper. Les professeurs s'avancèrent et nous emmenèrent chacun vers un escalier différent. Calliope fut ma guide. Au bout du troisième étage, on tourna à gauche. Ma chambre portait le numéro 333. Calliope me donna la clé, puis m'informa d'être en bas à neuf heure demain et me laissa seul. J'entrais dans ma chambre. C'est une pièce simple avec un lit, des toilettes, une commode et un bureau. Mes bagages se trouvaient déjà dans la pièce. Et voilà que je te raconte toute mon aventure, mais je commence à fermer des yeux. Il est quand même onze heures du soir, et je dois me lever tôt demain. Je te souhaite donc bonne nuit, carnet.

Jour 12 du mois de septembre 201x

Je nage dans le bonheur depuis que je vis à l'orphelinat ! Je vais te parler de cette sublime journée.
Ce matin, je descendis pour neuf heure comme prévu. Léna et Cloé ainsi que quatre professeurs étaient déjà présent : Calliope, Clio, Euterpe et Érato. Sami arriva quelques minutes après, s'excusant de son retard.

Calliope nous annonça que chacun d'entre nous étudiait avec une des professeurs présentes. Léna fut choisie par Clio, Sami fut pris par Euterpe, Cloé tomba sur Érato et moi-même fut désigné par Calliope. On suivait chacun notre gouvernante dans des directions différentes. Le couloir aux murs noirs, où l'on s'engageait, possédait de nombreuses salles, allant du numéro 031 à 039. Ma professeur s'arrêta devant la porte 033 et l'ouvrit. Une fois à l'intérieur de la salle, je ne vis que six élèves, tous de mon âge. Je me présentai à eux et fus accueilli chaleureusement. Lorsque je m'installais derrière ma table, je remarquais qu'elle contenait une plume de chouette effraie taillée pour écrire et un pot d'encre. Je m'émerveillai de la beauté du médium. Calliope me recommanda de toujours l'avoir avec moi et d'écrire uniquement avec elle.

Et je passais le reste de la matinée à suivre le cours sur la poésie épique. C'est aussi enrichissant qu'un simple cours de français où les romans sont mis en avant et les poèmes dans l'ombre. À midi, aidé par mes camarades de classe, je me dirigeai à la cantine. C'est un lieu spacieux avec deux étages supplémentaires pour les tables. Je retrouvai mes amis du voyage et, une fois installé, nous discutions à propos de nos matinées. Eux sont encore plus enthousiasmés par ces premiers cours que moi, ayant aussi obtenu un objet : Cloé eut un collier avec une jolie croix décorée, Léna une boule de cristal et Sami un petit parfum pour hommes. Une fois le déjeuner terminé, nous retournâmes chacun à nos tables. L'après-midi nous pratiquâmes l'écriture de poèmes épiques. Je suis fier de mon premier écrit, et je pense avoir une bonne note ! À six heures du soir, je retrouvai mes amis pour dîner, et juste après il fallut retourner dans nos chambres pour travailler ou dormir, au choix. J'ai un petit devoir d'écriture pour le cours de demain avec la professeur Melpomène, ce sera facile à rédiger mais il faut que je m'y mette. Je te laisse, à demain soir !

Jour 4 du mois d'octobre 201x

Mon Dieu, voilà bien longtemps que je n'ai pas écrit sur tes pages, carnet ! Il faut dire que je suis dans une passe difficile : je n'ai eu aucune note au dessus de dix sur vingt. Que ce soit avec Calliope l'impulsive, Melpomène la stricte, Polymnie la perfectionniste et Thalie la râleuse, mes notes sont à neuf sur vingt dans le meilleur des cas. De plus, mes camarades de classe se plaignent tout le temps. À force d'entendre leur lamentation tout les jours pendant que je suis dernier de la classe, ça me déprime. Je vais devenir le plus mauvais résident de l'orphelinat, et je ne sais pas quoi faire pour m'améliorer. Pourtant j'écris toujours à fond. Le seul commentaire que mes professeurs me donne c'est "Peut mieux faire". D'accord, mais comment ? Il faudrait peut-être que je trouve un élève qui puisse m'aider. Je vais le faire, j'ai un peu de temps avant le dîner. Peut-être à tout de suite !

Une heure plus tard...

Oh mon dieu... Je ne crois pas à ce que je viens d'assister... Pourtant c'est la réalité ! Je vais tout te raconter.
J'allais à la salle commune de mon étage pour chercher un élève de ma classe, quand je vis la porte de la chambre 315 légèrement entre-ouverte. Ma curiosité m'incita à jeter un coup d’œil dans le coin. Horreur ! Il y avait une fille qui vomissait un liquide noir, le corps plié en deux. Non loin d'elle, un garçon la regardait, sans rien faire et sans émotions face au spectacle. Je dévalai les escaliers pour avertir au moins une des enseignantes. Je tombai sur Calliope et, dès que je lui rapportai le drame, elle m'accompagna à la chambre. La fille était à présent étalée par terre, inanimée ; tandis que le garçon avait le pantalon trempé d'un liquide bleu. Il chancela. Calliope le rattrapa de justesse puis, après l'avoir allongé, elle m'ordonna d'aller dîner et surtout de ne pas raconter ce drame à qui que ce soit. Je fus contraint d'obéir. Je mangeai peu lors du dîner, écœuré à cause de cela. Mes amis l'avaient remarqué, mais ils me laissèrent tranquilles, pensant que mes notes me contrariaient. Je fonçai à la chambre 315 juste après le repas. Elle était vide et n'avait plus de traces de liquides noirs et bleus.
Je n'ai pas rêve pourtant ! C'est la vérité, et je vais le prouver ! Mais je tombe de sommeil... La nuit porte conseil. À une prochaine fois, carnet.

Jour 30 du mois d'octobre 201x

L'orphelinat devient sérieusement étrange. La dernière fois je t'ai parlé de ce "drame"... Eh bien le lendemain personne ne se rappelait des deux élèves ! Pas même un camarade de leur classe... Je suis le seul à m'en souvenir !
Pourquoi ?
Pourquoi tout le monde croit que je deviens fou ? Je n'ai pas rêvé, bon sang !
Depuis ce jour je vis d'autres phénomènes encore plus anormaux. Un garçon a ramené sa batte de base-ball pour "faire intégrer" ses idées à une autre personne à la cantine ; une fille a perdu sa joie de vivre et reste impassible même lorsqu'elle était secouée ; un type, désespéré de ne plus avoir d'inspiration, s'est pendu dans sa chambre... Et plein d'autres cas similaires.
Je ne sais pas si le pire ce sont ces faits ou bien l'indifférence des professeurs face à cela. Jamais elles en furent inquiètes. Calliope, quand je lui demandais à part pourquoi elle ne réagissait pas, me gifla avec sérénité et rétorqua que je n'étais pas digne de rester si je continuais à poser ce type de question. J'en suis démoralisé...
Mes amis aussi se comportent bizarrement. Hier, Sami s'est battu avec un gars, car ce dernier a tenté de draguer Léna. Pourtant il a eu une dizaine de petites amies en moins d'un mois, leur déclarant qu'il les aimait. Il en attire beaucoup car elles craquent pour son parfum. Mais dès que certains tourne autour de Léna, Sami n'hésite pas à se montrer violent. D'ailleurs, Léna est devenue hautaine et se croit aussi importante que des personnalités historiques : elle fait toujours un discours le midi sur l'avenir, comme quoi il faut agir de telle façon pour que le monde soit sauvé du chaos. Beaucoup font mine de l'approuver, mais juste pour pouvoir la critiquer dès qu'elle a le dos tourné. Sinon, la jolie et douce Cloé... devient une vraie religieuse. Elle prie sans arrêt, parle encore moins qu'avant, et surtout elle demande toujours l'aide de Dieu pour surmonter les difficultés au lieu d'agir ou de nous en parler. Elle a des difficultés en chant avec Érato car elle est presque immobile.
...Moi-même je me sens différent, je l'avoue. J'ai de l'inspiration pour mes poèmes dès que je souffre ou qu'on me blesse moralement. Je me sens nul à cause de mes notes et des événements bizarres, la nuit, je songe à mes parents mort. J'espère que ça me passera rapidement...
Je suis désolé, je dois faire mes devoirs maintenant. Je te promet de te donner de mes nouvelles demain.

Jour 1 du mois de novembre

Quelle journée déprimante ! Je n'ai eu que des malheurs. J'ai obtenu zéro à un poème. Oui, un zéro ! Polymnie m'a même humilié devant toute la classe en le lisant à haute voix. Sami m'a foutu un coup de poing dans le ventre à la cantine en me traitant de porc, qu'il fallait m'égorger, sans m'expliquer la raison de cette violence... Léna a refusé de m'expliquer une notion et m'insulta de"bon à rien". Et Cloé resta sans avis, me conseillant de m'en remettre à Dieu.
Pour la première fois de ma vie, j'ai séché le cours de l'après-midi. J'en ai marre d'être le bouc émissaire ! Pourquoi ?! Pourquoi cet enchaînement de souffrances !? Et pourquoi j'ai de l'inspiration à cause de ces douleurs ?! ... J'ai besoin de créer un poème. Je suis désolé, c'est plus fort que moi.

Jour 2 du mois de décembre 201x

Je suis un abruti. Je viens de comprendre pourquoi Sami devient violent en me voyant. Ça m'a pris environ un mois de douleurs et de blessures pour saisir. Il est fou amoureux de Léna. Le problème, c'est qu'elle l'évite et qu'elle me parle plus que avec lui. Mais j'ai une idée pour me faire pardonner. Je vais aider Sami à lui déclarer son amour, et notre amitié reviendra ! J'en profiterai après pour dire à Cloé que je l'aime. Que je l'aime quand elle fait un léger sourire, quand je regarde ses yeux noisettes, quand elle parle avec douceur, quand... Oups ! Je ne vais quand même pas commencer une idée de poème ! Je dois renouer nos liens amicaux. Je le ferais demain, au diable les devoirs ! Souhaites moi bon courage, carnet !

Jour 3 du mois de décembre 201x

Oh mon dieu... Qu'ai-je fait ? Je suis un monstre pour avoir engendré ça ! Pourquoi ?! Pourquoi ça a foiré ?!! Mon plan aurait dû fonctionner pourtant !
Un plan ? Mais oui, celui pour que tout s'arrange et que notre groupe redevienne comme avant !
Ce plan, voici en quoi il consistait.
Sami devait inviter Léna dans sa chambre, et s'il hésitait pendant sa déclaration il pouvait m'entendre chuchoter, caché dans son armoire. C'est tout. Sami accepta le plan. Quelle erreur ! Si j'avais su... Bref, passons.
Donc, on mit le plan à exécution. Léna vint à l'invitation, la boule de cristal à ses mains. Sami hésita sur certains mots, je l'aidai en les lui soufflant. Il réussit à le dire, tout rouge. Léna refusa son amour, car elle expliqua qu'elle avait un avenir à protéger et que, pour rester en paix, elle devait rester seule et vierge, accompagnée de sa boule de prédiction.
Et là, tout dégénéra. Sami explosa de colère. Il empêcha Léna de quitter sa chambre en l'attrapant par le bras. Elle tenta d'échapper à la prise mais en vain. Sami lui donna une gifle, la mettant à terre. Léna tenta de se relever, sa boule de cristal roulant ailleurs. Il récupéra cet objet et frappa avec sur la tête. Elle retomba au sol, le crâne ouvert. Sami la bloqua au sol et... Quelle horreur ! J'assistais à un viol ! J'hésitai entre risquer ma vie pour stopper cet abominable massacre ou rester à l'abri dans l'armoire. Je suivis le second choix, paralysé d'effroi. Un liquide doré coulait du crâne pendant ce temps. Puis Sami, ayant satisfait ses pulsions, commença à reprendre la raison. Je le rejoignais à cet instant là. Calme mais tétanisé, il se rendit compte de ce qu'il avait fait. Alors, il prit Léna dans ses bras et pleura. Ses larmes étaient rouges. Encore ces liquides de couleurs, comme lors du "drame" ! Léna caressa le visage de Sami, lui sourit et tomba inconsciente. Détruit, il ouvrit en grand sa fenêtre et sauta. Je n'eus pas le temps de réagir que j'entendis déjà un craquement. Sami était mort, allongé dans la neige qui absorbait son liquide rouge. Je suis revenu écrire ça, car je crois que je vais devenir fou...
Je ne sais pas quoi faire ! J'ai provoqué ce carnage en croyant faire le bien ! Et comment l'expliquer à Cloé sans me faire prendre pour un psychopathe qui les aurait manipulé ? On tape à ma porte... J'ai peur, mais il faut vérifier qui c'est. Je reviens.


Nuit 4 du mois de décembre 201x (trait tremblant et tâches d'encre)

Quel abruti je suis ! C'était Cloé. Elle me demanda si j'avais vu Léna. A lors, je l'amenai à la chambre pour montrer son cadavre. En voyant ce corps désarticulé, elle ne broncha pas. Quelques minutes passèrent avant sa réaction. Elle prit sa croix, demanda à Dieu de pardonner mon crime et de lui donner la force de surmonter cette épreuve. Alors, elle tomba à genou et pleura en silence. Ses larmes... Elles étaient bleues ! Oui bleues !!! Et le pire, c'est qu'elle souriait, en extase totale ! Puis elle se laissa tomber au sol : son corps n'était plus qu'une coquille vide.
Bravo Joël, bravo ! Tu viens aussi de tuer tes amis, comme tu l'as fait avec tes parents. Mais le pire dans tout ça c'est que, depuis la mort "spirituelle" de Cloé, je n'arrête pas d'écrire. Mon inspiration est comparable à un fleuve : je ne peux pas contrôler son flux, trop puissant à maîtriser. Je ne pense qu'à écrire, écrire, écrire, écrire... J'en ai la nausée, je dois aller vomir aux toilettes...

Plus tard...

Non, ce n'est pas possible ! J'ai vomi un liquide noir... Qui a le goût de sang ! ... Pourquoi est-il noir ? C'est comme celui de la fille du "drame"... Je n'arrive pas à m'empêcher de le cracher... Et j'ai envie d'écrire un texte sur les morts... ! Que c'est abominable de ma part de me servir de mes souvenirs pour rédiger... Non ! Je dois résister à ce besoin... ! Je m'affaiblis à chaque vomissements... Peut-être vais-je en mourir... ? En fait je préfère y passer moi aussi... Je dois te fermer à clé, comme d'habitude... Je t'ai réservé une cachette dans le matelas, mais d'a ord il faut verrouillé, écrire, verrouiller, écrire, verrouiller, écrire, verrouiller, écr... Stop ! Il est temps que je te dise adieu maintenant... Merci de m'avoir tenu compagnie, je vais les rejoindre... Père... Mère... Sami... Léna... Cloé... Attendez-moi... J'arrive.

"Eh bien, regrettes-tu ce pensionnaire au point de lire son journal intime ? Et en plus en gardant ta capuche ?"

L'homme à la cape se retourna. À l'entrée de la chambre un homme richement vêtu s'adossait au mur. L'homme à la cape retira sa capuche.

"Directeur Drasnor. Ou plutôt Ronsard... Oui, je le regrette beaucoup. Il aurait fallu qu'il s'intègre dans sa salle et non avec les autres. Ses amis n'avaient ni la fureur poétique en eux, ni l'humeur noire dans le sang... Alors que lui si. On a dû trop forcer les mauvaises notes, alors que ses poèmes étaient sublimes ! Il aurait fait un bon poète mélancolique, comme moi quand j'étais jeune...
-Oui, mais c'est trop tard, coupa Ronsard. Tu sais bien qu'un mélancolique n'a que deux choix : le déclic artistique ou le suicide. Il a choisi la seconde option en se vidant de son sang... Comme des centaines d'enfants dans cet orphelinat, vice-directeur Yalleb, ou plutôt du Bellay."

Ce dernier soupira. Ce gamin, dire qu'il aurait pu devenir un bon leader pour leur projet.

"Allons ! On a tout un établissement de jeunes artistes qui ne demandent qu'à devenir des génies ! Bientôt, nous redeviendrons cette armée d'antan où les gens nous admiraient pour notre finesse d'esprit, au lieu de nous mépriser comme des mendiants! Bien sûr il faudra du temps pour en réunir un grand nombre... Cependant, non seulement cet orphelinat peut contenir des centaines d'enfants, mais en plus nous avons aussi l'aide des Muses, et leur enseignement est parfait. Allez, il faut accueillir les nouveaux arrivants, enlève ta cape et partons leur souhaiter la bienvenue !"

Ronsard disparu rapidement dans le couloir. Du Bellay, en ôtant sa cape, conserva le carnet dans ses mains : cela leur permettrait d'éviter de nouvelles erreurs, pour constituer les poètes mélancoliques rapidement. "Merci, et adieu", pensa-t-il en quittant la chambre 333.
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8 février 2014 6 08 /02 /février /2014 20:59

Connaissez-vous l'Ombre des parkings ? C'est une de ces bizarreries que l'on trouve sur Terre, souvent classée à tort dans les "fait divers" des journaux locaux faute d'explications rationnelles. Ces incidents n'ayant jamais été réglés, les polices du monde entier se contentent de les classer dans les "dossiers sans suite", ce qui n'a pas empêché d'autres organisation plus secrètes de trouver une solution pour empêcher ce phénomène de reparaître. Mais commençons par le commencement.

Les systèmes de surveillance ayant leurs limites, il est impossible de dire si cette "Ombre des parkings" en est vraiment une. Mais ce qui est sûr, c'est que l'enchaînement des actions se produit toujours de la même manière. Tout d'abord, il faut qu'une personne humaine, de même que sa voiture, soient seuls dans un parking souterrain. Elle monte dans sa voiture et tente de la démarrer mais le moteur se contente de hoqueter. C'est à partir de là que les choses deviennent réellement bizarres.

Deux actions sont possibles pour le conducteur : soit il sort directement de sa voiture pour examiner le capot avant, soit elle regarde à travers le pare-brise. Quoi qu'il advienne, ces personnes sont condamnée. Certaines caméras de surveillance ont pu montrer que ces personnes se figent, comme en proie à une vision d'horreur, avant de trembler violemment. Malheureusement, ces caméras finissent irrémédiablement par se brouiller au bout de quelques secondes. Une fois l'image réapparue, la scène n'est plus du tout la même.

L'infortuné conducteur a totalement disparu. Même identifiés, personne n'a jamais pu les retrouver. Aucune trace de lutte, aucune empreinte pouvant prouver un déplacement n'ont été trouvées. C'est exactement comme si elles avaient disparues sur place. Cependant, ce qui se remarque en premier lieu n'est pas l'absence du conducteur mais l'état de sa voiture. Bien qu'elle n'ai pas bougé d'un millimètre, elle semble sortie d'un grave accident. Les parties endommagées ne sont pas toujours les mêmes et cela peut aller du moteur à moitié sorti du capot à un retournement complet avec toutes les vitres broyées, comme après un tonneau.

La police étant totalement impuissante face à ces phénomènes, une solution mondiale toute simple a été trouvée pour empêcher ce phénomène de sévir à nouveau : il suffit de laisser deux voitures appartenant à deux conducteurs vivants différents vingt-quatre heures sur vingt-quatre et l'Ombre des parkings devient totalement impuissante. Malheureusement, tous les parkings souterrains ne disposent pas d'une telle sécurité. Si jamais vous vous trouvez seul dans l'un d'eux avec votre voiture, je vous conseillerais plutôt de ne pas chercher à prendre la route. A moins que vous ne vouliez connaître ce que d'autres avant vous ont déjà connu...

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10 janvier 2014 5 10 /01 /janvier /2014 19:38

Il était une fois, puisque c’est ainsi que, sans doutes, les histoires commencent ou devraient commencer, une petite fille qui avait peur du noir.

Etait-ce une peur légitime ? Si elle aurait eu la curiosité de remonter jusqu’à ses plus lointains ancêtres, elle serait « légitime » dans le sens de « justifiable » : ses grands-parents de Jadis avait eu tellement la nausée des éventuels prédateurs, pouvant mettre fin à leurs jours à tout moment, qu’ils avaient transmis leurs peurs jusque dans les gènes de leurs petits-enfants millénaires. Elle aurait donc aisément pus se défendre, en disant que sa peur étais aussi légitime que ses yeux noirs ou ses longs cheveux, reflets de sa phobie de par leurs couleurs.
Toutefois, pour se défendre, il fallait savoir. Et la petite fille était trop jeune pour savoir. De plus, pour se défendre, il fallait des attaquants capables de recevoir les arguments : hors ses parents ne recevaient rien du tout, mis à part des dettes et des huissiers. Son père était en effet agent de service mal-payé dans une école maternelle, tandis que sa mère travaillait au noir, tentant comme elle le pouvait de faire quelques chose pour aider son conjoint. Alors, pour ne pas faire peser d’autres fardeaux sur leurs épaules de simples êtres humains, ils écartaient un problème pour se soucier d’un autre, beaucoup plus grave à leurs yeux : la nourrir. La première année de sa vie, la mère arrêta ses activités, et s’en occupa ; par la suite, ils durent trouver une autre solution. Ils n’avaient pas les moyens de payer un psychologue pour enfant, et le temps et les connaissances nécessaires pour résoudre le problème leurs manquaient.

Alors, la nuit, quand elle ne dormait pas, quand elle réveillait l’intégralité du petit quatre pièce dans lequel elle habitait avec de ses deux parents, ces derniers ne s’encombraient même plus de savoir ce qui la maintenait éveillée dans la frayeur, et l’envoyaient dormir dans un endroit quelques peu inconfortable : un simple petit placard dans lequel seul leur fille avait les dimensions nécessaires pour s’y plier et dormir. Le meuble de rangement possédait des parois assez épais, de sorte que les parents n’entendaient plus la petite taper et hurler d’angoisse. Coupables de ne pouvoir rien faire d’autres pour améliorer la vie de la famille, ils espéraient que ces peurs passeraient seules, avec le temps et l’âge. Mais, les trois ans qui suivirent, la seule amélioration constatée était l’arrêt du boucan après le « rangement » : l’enfant restait prostrée, repliée sur elle-même. Et s’endormait.

Un problème, toutefois, survenait, et ses parents en avaient conscience : bientôt, leur fille rentrerait à l’école maternelle, et devrait dormir. La rentrée approchant, et la situation n’évoluant pas, son père discuta avec un collègue de travail de son problème. Et son conseil avait fait germer en lui une idée.

Après le travail, il passa chez le brocanteur.

C’était un vieil homme, au crâne dégarni et au nez aquilin, légèrement recourbé. Sa boutique se trouvait dans une ruelle sombre, et il manquait de fenêtre dans son commerce, si bien que non seulement la lumière avait du mal à percer malgré une large baie-vitrée, mais une chaleur étouffante venait habiter les étroites allées encombrées de toutes sortes de choses. Toutefois, ce n’étais pas aussi effrayant que cela en avait l’air de l’extérieur: la boutique était éclairée par un lustre à la lumière orangée, tamisée. On aurait pu croire à un feu de cheminée. De plus, le vieil homme arborait toujours un léger sourire condescendant. Le père le connaissait bien. Il avait acheté ici la plupart de ses meubles et vêtements ; ils y étaient, en effet, à des prix très abordables. Toutefois, il n’était pas venu chercher cela.

Quand il passa la porte, le vieil homme regardait le journal de vingt heures sur une minuscule télévision. Le journaliste parlait d’un fait divers particulièrement atroce, des enfants tués devant une école par, apparemment, un sympathisant extrémiste. Des détails qui n’intéressaient nullement le brocanteur, qui éteignit rageusement la télévision d’un mouvement de télécommande bien net, le tout en marmonnant quelques choses d’incompréhensible. Il se tourna vers son client, qu’il reconnut, et afficha un sourire chaleureux.

« Que cherches-tu, Meulin ? »

Le père lui expliqua ce qu’il souhaitait. Le vieil homme acquiesça, et alla fouiller dans l’arrière-boutique. Il revint avec un vieux carton d’un peu moins d’une moitié de mètre cube, et l’ouvrit devant l’autre homme, qui parut satisfait. Il précisa qu’il avait servi deux fois déjà avant de lui parvenir. Deux destins funestes. Le père ne pris pas en considération ce détail, et lui demanda le prix de l’objet. Une misère.

Content de pouvoir se faire pardonner de ses mauvais agissements, le père acheta, et repartis en sifflotant l’air d’une comptine qu’il avait apprise, enfant. Déjà, il oublia l’histoire de ce qu’il transportait, et déjà, le vieux brocanteur ralluma sa petite télévision : le journal se terminait.

Le père arriva chez lui tandis que la lune, déjà, était brillante dans le ciel pollué de la ville. Quand il entra, sa compagne le réprimanda. Devant l’argument du père, une dispute éclata, à propos des dépenses inutiles et donc, de l’utilité de ce « fétiche », qui ne servirait à rien, si ce n’étais à rentrer tard, que le diner était déjà froid, qu’un de ses clients avait été « chopé par les flics », et qu’elle devait trouver une solution pour « refourguer » plus discrètement…

Pendant ce temps, la petite sortit de sa chambre, et, curieuse de nature, ouvrit le carton. Les yeux brillants, elle voulut embrasser son père, mais ce dernier était trop « occupé ». Elle avait l’habitude de ce genre de dispute qui passerait le lendemain. Elle alla donc dans sa chambre.

« Viens, on va jouer toi et moi. »

Et elle joua. Elle lui montra ses autres jouets : des dinettes en plastique made in china, une vieille boite de lego, des stylos et des feutres, volés ou achetés d’occasion. Elle nomma la peluche Toudou, en l’honneur de l’étiquette qui dépassait de sa nuque. Il était vieux, recousus d’un peu partout, avec un bouton à la place de l’œil gauche et un noueux papillon rouge autour du cou. Elle ne s’en soucia pas véritablement : elle parla avec lui, joua avec lui, se mit en pyjama avec lui, se brossa les dents avec lui, alla se coucher avec lui… Pour la première fois de sa vie, elle avait un ami à qui se confier, un allié avec qui elle allait pouvoir braver le monde, la vie.

Les parents ne le remarquèrent pas, mais cette nuit-là, l’enfant ne fit aucun bruit.

*

Si la maternelle, un simple point de passage ou elle s’était contentée de se taire et d’écouter, probablement pour que son père ne la voie pas dans son intimité scolaire, ne la fit pas remarquer auprès du public, le primaire lui donna bien des raisons de s’approprier l’admiration de tous.

Elle s’était en effet révélée, avec le temps, de nombreuses qualités qui lui offrirent d’emblée une place de choix dans l’échelle sociale enfantine : ses longs cheveux noirs, son teint de craie et ses yeux de charbon ne laissaient pas insensible. De plus, elle dépassait beaucoup de garçons quand il s’agissait de démontrer ses capacités physiques : sa souplesse était bien supérieure à la moyenne. Elle surprenait aussi sa maîtresse quand il s’agissait de lire, écrire et compter : elle était en avance sur tous les enfants de sa classe. Tout le monde lui souriait. Elle avait toutes les raisons d’être épanouie.

Pourtant, tout le monde sentait que quelque chose n’allait pas.

Ses yeux noirs ne semblaient en effet n’exprimer qu’une indécrottable lassitude, une fatigue permanente. Elle ne se sentait jamais véritablement concernée par ce qu’elle faisait, et ne souriait qu’assez rarement. Quand elle le faisait, c’était une copie calque de Mona Lisa, figée dans une figure énigmatique, comme une moquerie douce-amère. Elle semblait souvent pensive, ailleurs.

Ailleurs, c’était chez elle.

Elle commençait à comprendre que ce que sa mère faisait, pendant qu’elle était à l’école, n’était pas quelques chose d’ont on se vantait. Elle comprenait aussi que son père, un adulte, avait des problèmes. Avec cette chose. L’argent.

Elle avait hâte de devenir une grande. Pour quitter cette famille. Ne plus avoir de problème.

Elle n’avait plus peur la nuit : elle aimait croire que Toudou la protégeais contre les choses étranges et indescriptibles que les ombres logeaient. Ne pouvant parler à ses parents, trop épuisées de leurs journées, elle racontait les siennes à sa peluche. C’était les rares fois où elle ne se sentait pas seule. Elle câlinait son ourson, et lui parlait, parfois très tard dans la nuit. Lui semblait écouter, neutre, son regard borgne d’être sans âme parlant pour lui.

« J’ai l’impression, lui dit-elle un jour, légèrement triste, que je ne suis pas tout à fait pareille que les autres. Leurs jeux ne m’amusent pas. Les exercices que la maitresse nous donne sont simples, quoi qu’il se passe dedans. C’est comme si j’étais d’un autre pays. »

Et elle câlinait Toudou, toujours plus fort. Elle avait l’impression de frapper dans un punching-ball avec ses émotions, ses craintes, ses envies, ses pulsions. Et lui était là, impassible fasse à la conscience qu’il était incapable d’acquérir, absorbant toutes ses douleurs.

En grandissant, les qualités de la petite fille s’intensifièrent. Elle dépassait ses camarades dans tous les domaines, était devenue l’idole de toutes les petites filles, et la vénus de tous les garçons. Ce genre de succès aurait dû lui tourner la tête ; elle n’en avait cure. Elle se sentait toujours aussi étrangère, et ne parlait jamais de ce succès à ses parents, qui ne lui prêtaient pas, de toute façon, une attention fulgurante. Son père avait changé de travail, et officiait sur des chantiers au noir, en plus de toucher les allocations chômage. Il ne se souciait même plus de sa fille. Sa surprise fut donc assez élevée quand le directeur le convoqua pour lui proposer un saut de classe.

« Votre fille est en avance dans tous les domaines : elle lit déjà des livres destinés aux collégiens, rempli des manuels de géométrie de cinquième sans problèmes majeurs, et elle est la meilleure en sport. Entre autre, elle semble comme… S’ennuyer. Ne pas s’épanouir dans sa classe. Elle serait, je pense, plus heureuse dans une classe un peu plus âgée. »
Son père accepta, fier de son enfant. Mais elle ne se sentait pas plus concernée par ce qu’elle faisait.

Au fur et à mesure qu’elle grandissait, elle lisait de plus en plus, bien plus que des simples romans pour collégiens : des traités, des essais, de la philosophie. Elle avait déjà compris que si elle voulait sortir de cette situation familiale miséreuse, elle devait être plus intelligente que tout le monde. Ainsi, entre 16h30 et 17h30 tous les jours à partir de son saut de classe, elle allait à la bibliothèque et empruntait des livres pour les lires avec Toudou, le soir. Ce dernier était moins un Punching-ball qu’une sorte d’interlocuteur privilégié pour ses nombreuses réflexions, désormais. Elle réfléchissait toute seule, développant ses idées en s’imaginant les questions que Toudou pourrait se poser. Au début, Toudou n’était qu’une simple voix dans sa tête, comme celle qui existe quand on lit ou quand on pense, informelle, inaudible et sans timbre particulier, mais au fur et à mesure que sa capacité à imaginer des choses concrètes s’accentuait, la peluche gagna une voix légèrement aigue, enfantine, très joyeuse et enjouée. Et ils discutaient.

« Je me demande si ce que je fais sert à quelques chose, Toudou.
Evidemment que ça sert. Nous serons bientôt riches. Nous serons heureux.
Oui… Peut-être… »

Et les années passèrent ainsi.

*

Elle était en quatrième quand, un jour, on vint la chercher pendant la classe. On était en cours de mathématique, et tout le monde la regarda. Elle était devenue magnifique : une reine de glace. La jeune fille tentait pourtant de ne pas se faire remarquer par sa face le plus souvent neutre : elle s’efforçait de sourire, d’être gentille et généreuse. Elle ressentait de moins en moins l’empathie avec ce monde. Et cet état ne la préoccupait pas… Jusqu’à ce jour.

Elle suivit le surveillant qui la mena dans le bureau de son proviseur. Un homme grand, fier, chauve. Il affichait ce jour-là une mine grave. Tout le monde la dévisageait.
Elle connaissait la suite. Elle l’avait attendue. Depuis toute petite.

« Mademoiselle Meulin… Je vais être bref. »

S’ensuivit un instant de flottement tandis que l’homme en costume se raclait la gorge en sortant une feuille de papier.

« Vos parents, entama-t-il, la voix tremblante, ont étés arrêtés ce jour, pris sur le fait, en train de vendre des substances illicites. »

Elle ne broncha pas. Il reprit.

« Demain matin, on passera vous chercher chez vous, mademoiselle Meulin. Comme vous n’avez pas d’autres familles sur le sol Français, nous serons dans l’obligation de vous conduire dans un logement temporaire. Un foyer d’accueil. Vous serez suivi par un psychologue, et vous reprendrez vos études normalement… »

Il expliqua sa future vie. Elle resta de marbre. Dans la pièce, elle semblait être la seule à ne pas se sentir concernée.

*

« Je ne comprends pas, Toudou. Mes parents sont en prison. Et pourtant, je… Je n’arrive à rien sentir.
Et alors ?
Et alors… Il est vrai que je me suis toujours senti différente d’eux… Je pense être ce qu’on appelle un psychopathe. Quelqu’un sans émotions. Et apparemment, c’est grave.
Tu n’es pas triste. Tout le monde rêve de ne jamais être triste.
Oui. Mais je n’ai jamais été comme tout le monde.
C’est amusant d’être triste de ne pas pouvoir être triste, tu ne trouves pas ?
...Oui.
Si c’est amusant, pourquoi n’es-tu pas heureuse ? »

Petit pouffement.

« Tu changes de sujet, Toudou.
Oui… C’est pour que tu ries. Pour que l’avenir soit beau. Ne sois jamais triste et je serais heureux, moi aussi… L’avenir sera radieux, pour nous deux, rien que pour nous deux… »

Elle regarda l’ours. Sa tête n’avait pas changé depuis sa petite enfance. Elle, en revanche, commençait à grandir… De plus en plus stériles et inutiles, ses conversations avec Toudou lui faisait se poser des questions sur elle-même : elle était peut-être trop grande pour parler à une peluche. Peut-être n’avait-elle plus besoin de ça.
Il était peut-être temps de commencer une nouvelle vie. De se séparer de son compagnon.

« Je sais ce que tu penses. Et tu seras triste si tu le fait. »

Elle se leva. Plus personne ne pouvait plus l’empêcher de rien à partir de cette nuit.

« Les adultes sont misérables. Tu le sais. »

Elle l’ignora, s’habilla.

« Nous deux, c’est pour la vie. Tu le sais aussi. »

Elle voulait avoir le cœur net de son hypothèse folle. Elle mit l’ourson dans une petite boite.

« Ce n’est pas vrai ! Je suis toi, tu es moi ! »

Elle ferma la boite. Elle n’entendait plus la voix enfantine de son ami de toujours.

*

Elle se dirigea vers la petite ruelle sombre du Brocanteur. La boutique, elle le savait, était ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle savait aussi que c’était de là que venait l’ours en peluche. Son père ne lui avait jamais dit : elle l’avait déduis. C’était le seul endroit au monde où il aurait pu acheter pareil objet dans une boite en carton. Cette même boite qui l’abritait, maintenant…

Elle arriva devant la boutique. Elle sentait son cœur battre. C’était la première fois qu’elle venait seule.

La peur.

Elle entra.

Rien n’avait changé depuis plus de dix ans. Sauf peut-être le vieil homme, devenu plus pale et plus rabougris. Il regardait néanmoins toujours la télévision : une émission qui avait l’air de l’ennuyer au possible. Il s’empressa de l’éteindre quand il vit la jeune fille. Il parut surpris.

« Tu es toutes seule ?
-Mes parents se sont faits arrêtés. »

Elle n’avait pas changé de tons. Le vieil homme fut compatissant. En voyant la mine déconfite du Brocanteur, l’adolescente ne put s’empêcher de frémir… Elle s’ignora, et posa la boite en carton sur le comptoir.

L’homme ouvrit, et sa figure se teinta d’une sorte de nostalgie.

« Ha… Mon bonhomme, tu n’as pas changé…
-Vous le reconnaissez ? »

Il reporta son attention sur la fille.

« Bien sûr que je le reconnais ! Je sais reconnaitre un objet que j’ai vendu quand j’en vois un. Surtout quand ce dernier a fait plusieurs allez retour dans mon magasin. »

Désireuse d’en savoir plus, elle s’assit sur une vieille chaise prise au hasard dans le fatras de meuble. Le vieil homme sourit en tenant toujours Toudou dans les bras.

« C’était un simple ourson de grande collection, commença-t-il, qui avait atterris dans une famille de riche personnages. Des amis à moi… Ils étaient de braves gens, en apparence du moins... L’ours appartenait à leur plus jeune fils… Mais ce dernier a fini assez mal. »

La jeune fille s’approcha.

« Mal ?
-Oui. Il a exterminé dans son intégralité toute sa famille. Avec un couteau de cuisine. »

Surprise, elle se ramena dans sa chaise.

« Un flic m’a ramené la peluche. Apparemment, il le tenait sur lui, roulé en boule, quand on l’a retrouvé… Plus tard, j’ai appris qu’en fait, les parents avaient pratiqués des abus sur leurs enfants. On a retrouvé des choses vraiment écœurantes chez eux… Je n’ose pas imaginer ce qu’ils ont fait subir à leurs enfants… Apparemment, la plus vieille, un peu plus jeune que toi, était enceinte de quelques semaines, mais ce n’était que des commérages… Je crois. »

Elle frémit. Le brocanteur fit une petite pause, et continua.

« Je l’ai donc gardé, cet ours. Mais pas trop longtemps… Juste quatre ou cinq ans. Une femme veuve voulait réconforter son fils, et elle même sans doute, alors je lui ai donné ce que j’avais en stock. Le fils aurait eu douze ans le jour où j’ai vu revenir sa mère, l’ours dans la main…
-Aurait ? Il est mort ?
-Suicidé. »

Quelques longues secondes de silences.

« Je connaissais ce gamin. Il passait, de temps en temps. Et puis, il a sauté du cinquième étage… Apparemment, il n’avait à priori pas vraiment de raisons de se tuer. Il était aimé. Intelligent. Ce n’était pas le profil du suicidaire de douze ans… Enfin. Quelques mois plus tard, c’est ton père qui est venu… Il avait l’air préoccupé, et heureux quand il a vu l’ourson. Je lui ai parlé de son passé, mais il n’a rien voulu savoir.»

Il rangea la peluche dans la boite.

« Je te le reprendrai bien volontiers. Au prix que tu veux. Un ours avec ce genre d’histoire, ça n’a pas de prix.
-Non… Je vous le donne.»

Il lui sourit. Elle lui sourit en retour pour seul au revoir. Et partit aussi vite qu’elle était venu.

Sans Toudou.

*

Elle partit un peu plus tard de sa maison. Elle n’avait qu’assez peu d’affaires, et sa valise ne fut pas bien lourde. Le chauffeur resta là, patient. Elle regarda une dernière fois son ancienne vie. Et monta dans la voiture.

Le foyer se trouvait à l’autre bout de la ville. Un simple immeuble grisâtre entouré d’un grand jardin. Sobrement, une plaquette de fer indiquait « Maison d’Accueil Notre-Dame ». Les enfants étaient à l’école, à cette heure-là.

Il y avait un garçon, tout seul devant le portail. Il était assis sur une bordure de trottoir, et semblait s’ennuyer. L’adolescente l’étudia. Plutôt petit et bien constitué, il avait le teint basané, les cheveux noirs crépus, et les yeux bleus. Quand il vit la voiture arriver, il se leva. Il semblait avoir attendu un moment, sur ce trottoir… L’adolescente se surpris à penser ce genre de choses.

Elle ressentit une sorte d’embarra.

La voiture passa le portail, et se gara. Le chauffeur descendit de la voiture et ouvrit la porte à la jeune fille. Elle sortit, gardant sa valisette près d’elle. Le garçon venait vers elle, avec une démarche traînante, mal réveillé vraisemblablement. Il la regarda, et sortit un petit papier de sa poche. La jeune fille le fixa avec curiosité.

Il lut le papier à haute voix. Cette dernière était cassée par la fatigue.

« Elisa Meulin. »

Il se racla la gorge et continua. Il semblait hacher chaque mot, articulant comme il le pouvait.

« Bonjour et bienvenu à toi. Nous sommes très heureux de t’accueillir chez nous, à la maison d’accueil Notre-Dame… »

Elle eut envie de rire. Sans doute à cause de l’attitude du garçon, assez gêné du regard de la jeune fille. Le soleil commençait à s’élever dans le ciel. Le vent était léger. Le mois de mai faisait fleurir les arbres autour de la résidence.

Une larme coula sur sa joue. Une poussière dans l’œil, sans doute… Le garçon arrêta sa lecture, et s’approcha d’elle en vitesse.

« Eux, ça va ? Tu…
-Oui. Juste une poussière.
-Ha… Ouais. »

Il regarda le texte. Le remis dans sa poche.

« J’crois que tu t’en fou, de ça. T’façon, tout ce que t’as à savoir, ici, c’est que c’est cool. Enfin… »

Ils se regardèrent dans les yeux… Et il détourna le regard, surement en proies à une gêne due à l’âge... Elle, elle pensait à autre chose.

Ses parents.

« Bon, je suis sensé de faire visiter. J’m’appelle Farid, si t’as besoin, j’crois que tu t’en fou, mais bon… Tu viens ? »

Elle vint.

*

Nue, aux milieux de la pièce, elle pleurait.

Les draps étaient couverts de sang. Et ses mains… Et son corps… Souillée…

Elle lâcha le couteau de cuisine. Il retomba, une dernière fois, sur le corps inerte de Farid.

Elle tremblait.

Elle ne savait pas comment, elle ne savait pas pourquoi. Jamais elle n’avait aimé quelqu’un comme lui. Jamais.

Et il était le seul. Le seul qu’elle avait.

Son cœur allait exploser. Ses yeux n’avaient plus la force de pleurer. Ses membres plus la force de trembler. Lentement, elle se retourna, vers la fenêtre. Elle l’ouvrit. Le froid de Mars envahis la pièce, et la pluie la trempa.

Elle se retourna une dernière fois vers la pièce.

Vers ce qu’elle croyait dans un carton.

Vers son regard borgne.

Et sauta.

La petite fille n’avait plus peur du noir.

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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 18:01

Dans une région montagneuse de France, non loin d'un lac gelé, se trouve un bâtiment d'une hauteur et d'une largeur gigantesque. Son architecture, décorée d'ornements et de courbes rappelant le style Mucha ; ainsi que les pierres colorées, tous ces détaiks mènent à penser qu'il s'agit d'un patrimoine historique unique en France. En réalité il s'agit de l'orphelinat Pléiade.

Par ailleurs, vers la fin de la journée d'hiver, un homme proche du lac marchait lentement en direction de l'orphelinat. Il était couvert d'une longue cape de couleur bleu royal. La capuche cachait son visage, car il savait que les légers flocons annonçaient l'arrivée d'une tempête de neige. L'homme pressa le pas pour arriver au bâtiment. Enfin, il s'arrêta devant la porte, sortit un trousseau de clés et l'ouvrit. L'intérieur était spacieux, mais l'individu, après avoir verrouillé l'entrée, se dirigea vers un des escaliers. Il monta jusqu'au troisième étage et s'engouffra dans un couloir. L'endroit comportait de nombreuses portes, numérotées de 301 à 400. Mais il savait où se trouvait la porte qu'il cherchait. Il stoppa sa marche devant la chambre 333. Il n'eut même pas à sortir la clé : la porte était entre-ouverte. Il entra.
L'homme ne sembla pas surpris de l'état de cette chambre. Et pourtant, la pièce était dans un désordre chaotique. Des vêtements sales trainant par terre, un lit sans couverture et un matelas éventré... Mais surtout on voyait d'énormes tâches d'encres au sol et en abondance et des murs blancs souillés par des graffitis de couleur noire.
L'homme ne sembla pas attacher une grande importance à ces détails et s'avança vers le lit. Il fouilla à l'intérieur de l'ouverture du matelas et sortit un grand carnet en cuir caché de-dans. Ce dernier possédait une petite serrure qui le verrouillait. Cela n'empêcha pas l'homme de tourner une petite clé dans la serrure. Un clic indiquait que cela fonctionnait. Il commença à l'ouvrir et à en lire le contenu. Voici ce qui était écrit...


Jour 10 du mois de septembre 201x

Bonjour, carnet. Je me nomme Joël et j'ai perdu mes parents pendant les vacances d'été. Ils voulaient juste se reposer et profiter d'un moment d'intimité ; surtout que tout deux étaient médecins et n'avaient que peu de jours de repos. Et je l'ai compris sans même qu'ils me l'expliquent. C'est pour cela que j'ai refusé de venir avec eux : ils manquaient de temps pour se détendre entre-eux.
Le jour de leur départ en vacances, ils se trouvaient dans un car en direction de l'Auvergne. Le transport, pour éviter de percuter une voiture en sens inverse, a brusquement tourné à gauche. Dans le précipice d'une montagne. Le conducteur et tous les passagers sont mort dans la chute. Même mon père et ma mère. Lorsque ma grand-mère répondit au télephone et apprit cet accident funeste, elle tomba à genoux. Sa fille et son beau-fils, de brillants médecins vivant à la campagne, la fierté locale, c'était fini pour eux.
Il ne restait plus que moi, la honte familiale. Ma grand-mère me hait, et cet accident n'arrangea pas nos liens. J'ai même entendu dire, le jour des funérailles, qu'elle aurait voulu que ce soit moi qui y soit passé à la place de mes parents. En plus, les préjugés sur moi avaient fait le tour de tous les invités, et ces derniers me lançaient des regards noirs.
Tout cela est lié à mes intérêts : je préfère lire et écrire plutôt qu'étudier les sciences. Depuis la mort de mes parents, je n'ai pas pu parler de mes souffrances. Je ne peux plus faire confiance à personne, et mes parents me manquent. Je me sens mieux, écrire sur tes feuilles m'a soulagé. Ma grand-mère m'appelle, je reviens plus tard.

Jour 11 du mois de septembre 201x

Que d'événements depuis hier ! Après avoir descendu, ma grand-mère m'annonça que j'irai dans un orphelinat, et que je devais me dépêcher de faire ma valise car le conducteur qui m'y emmène m'attendait déjà dehors. Je pris donc l'essentiel : habits, nourriture... puis rangea tout mon matériel d'écriture (et toi, bien sûr !) dans mon sac à dos. Dès que je me retrouvai en bas avec mes bagages, ma grand-mère me poussa dehors et referma la porte d'entrée à clé. Pas même un adieu... Tant pis.

Quand je vis le véhicule en face de ma maison, je fus surpris. Une voiture. Pas celle avec un moteur, celle avec deux chevaux. Je m'approchais, perplexe. Le conducteur, sympathique, prit mes bagages et me demanda de monter dans le véhicule. Une fois à l'intérieur, je constatais qu'il y avait trois autres passagers. Deux filles et un garçon. Je m'assis à côté de ce dernier. Aucun de nous, au départ, n'osait parler. Puis mon voisin commença à se présenter après le démarrage du véhicule.

Il s'appelle Sami Perdrix. Il a quinze ans et a perdu son grand-père depuis peu. Sa tante, qui devait le prendre en charge, abandonna l'idée et l'inscrivit à l'orphelinat Pléiade. Il aime jouer du violon, écouter tout genre musical et danser. Il est grand, un peu musclé, des cheveux blonds et courts, les yeux bleus et la peau bronzée. Il porte souvent des vêtements sportifs et décontractés. Il a l'air amical, très jovial, parle avec enthousiasme, et surtout sincère.

L'une des deux filles prit le relais.
Elle se nomme Léna Silvestre. Elle a seize ans, et n'a jamais connu un seul membre de sa famille. Elle vivait dans un autre orphelinat et, comme elle aime les cours d'histoire et d'astronomie, elle a demandé au directeur de la transférer à celle de la Pléiade. Elle réussit à le convaincre. Elle est brune et frisée, les yeux verts, plutôt svelte. Métisse de peau, elle a tendance à s'habiller comme un homme : elle craque facilement sur les chemises et les cravates. Elle semble plutôt intelligente et sympathique, articule les mots sans exagérer, et surtout fiable.

La deuxième fille eut du mal à débuter sa présentation.
Elle porte le nom de Cloé Pichoux et a douze ans. Sa famille était riche, jusqu'au jour où son père, patron d'une grande entreprise, se pendit. Il avait accumulé une dette énorme et désespérait à trouver une solution. Sa mère est morte dès sa naissance. La nouvelle épouse de son père, ne voulant pas s'occuper de Cloé, l'a envoyé à cet orphelinat. Elle a de longs cheveux châtains et des yeux noisettes. Elle est un peu ronde, la peau blanche. Catholique, elle aime sa religion ainsi que le chant. Elle est très féminine avec ses longues robes à motifs mignons et ses chapeaux. Elle est timide, bégaye énormément, mais surtout doit être gentille.

J'étais le dernier à me présenter. Vu que je ne t'ai pas tout dit sur moi, je vais en profiter pour le faire.
Je suis donc Joël Lecanu, treize ans. Comme tu le sais, ma grand-mère m'a jeté à la rue après m'avoir inscrit à l'orphelinat, suite au décès de mes parents. J'ai les cheveux roux et assez courts bouclant, les yeux gris. Ma peau a tendance à rosir, et je suis gros. J'aime lire les poèmes et les épopées médiévaux, et j'écris de la poésie. J'ai des habits simples et amples pour cacher mon obésité. Je me considère comme calme, peu bavard, mais surtout sensible.

Oups, je reviens très vite te raconter le reste !

...

Enfin, je suis de retour !
Donc, après nos présentations, on discuta de tout ; parfois on riait des jeux de mots de Sami, parfois on débatait de sujets sérieux avec Léna, parfois on parlait de nos goûts grâce à Cloé, et parfois je leur lisais mes poèmes. En dessous des sièges, il y avait de quoi manger pour cinq jours, on put donc se restaurer facilement. À un moment du voyage, fatigués, nous nous endormions. Mais dès le réveil on recommençait le bavardage. Puis, après dix heures de voyage, le véhicule s'arrêta et le conducteur nous informa qu'on était arrivé.
Lorsque je sortis du véhicule, un tout nouveau paysage s'offrit à moi. Les montagnes enneigées, un lac avec l'eau limpide et un peu de verdure... Une nature magnifique. Je le contemplai quelques minutes, puis allai rejoindre mes nouveaux amis. L'orphelinat Pléiade m'éblouit par ses détails artistique, mais aussi par son énorme taille. Il est comparable à un immeuble d'une dizaine étages, de mon point de vue. Mes camarades réagissèrent de la même manière. Le cocher nous ouvrit la porte et nous demanda d'entrer, bien qu'il ne puisse pas nous accompagner à l'intérieur car occupé à monter nos bagages. Le hall était tout aussi gigantesque et colorée que la façade.

On reçu le bienvenue de neuf femmes et de deux hommes. Elles se présentèrent d'abord : Calliope (professeur de poésie épique), Clio (professeur d'histoire), Érato (professeur de chant), Euterpe (professeur de musique), Melpomène (professeur de tragédie), Polymnie (professeur de rhétorique), Tepsichore (professeur de danse), Thalie (professeur de comédie) et Uranie (professeur d'astrologie). Elles ont des noms peu communs, mais elles sont accueillat. Les hommes donnèrent leur nom et métier : Drasnor, directeur de l'orphelinat, et Yalleb, vice-directeur. Ils devaient être occupés, car ils s'excusèrent de devoir s'éclisper maintenant. Les professeurs s'avancèrent et nous emmenèrent chacun vers un escalier différent. Calliope fut ma guide. Au bout du troisième étage, on tourna à gauche. Ma chambre portait le numéro 333. Calliope me donna la clé de chambre, puis m'informa d'être en bas à neuf heure demain et me laissa seul. J'entrais dans ma chambre. C'est une pièce simple avec un lit, des toilettes, une commode et un bureau. Mes bagages se trouvaient déjà dans la pièce. Et voilà que je te raconte toute mon aventure, mais je commence à fermer des yeux. Il est quand même onze heures du soir, et je dois me lever tôt demain. Je te souhaite donc bonne nuit, carnet.

Jour 12 du mois de septembre 201x

Je nage dans le bonheur depuis que je vis à l'orphelinat ! Je vais te parler de cette sublime journée.
Le matin, je descendis en bas pour neuf heure comme prévu. Léna et Cloé ainsi que quatre professeurs : Calliope, Clio, Euterpe et Érato. Sami arriva quelques minutes après, s'excusant de son retard.

Calliope nous annonça que chacun d'entre nous aurait une des professeurs présentes. Léna fut choisie par Clio, Sami fut pris par Euterpe, Cloé tomba sur Érato et moi-même fut désigné par Calliope. On suivait chacun notre gouvernante dans des directions difféntes. Le couloir aux murs noirs, où l'on s'engageait, possédait de nombreuses salles, allant du numéro 031 à 039. Ma professeur s'arrêta devant la porte 033 et l'ouvrit. Une fois à l'intérieur de la salle, je ne vis que six élèves, tous de mon âge. Je me présentai à eux et fus accueilli chaleureusement. Lorsque je m'installais derrière ma table, je remarquais qu'elle contenait une plume de chouette effraie taillée pour écrire et un pot d'encre. Je m'émerveillai de la beauté du médium. Calliope me recommanda de toujours l'avoir avec moi et d'écrire uniquement avec elle.

Et je passais le reste de la matinée à suivre le cours sur la poésie épique. C'est aussi enrichissant qu'un simple cours de français où les romans sont mis en avant et les poèmes dans l'ombre. À midi, aidé par mes camarades de classe, je me dirigeai à la cantine. C'est un lieu spacieux avec deux étages supplémentaires pour les tables. Je retrouvai mes amis du voyage et, une fois installé, on se raconta nos matinées. Eux sont encore plus enthousiasmés par ces premiers cours que moi, ayant aussi reçu un objet : Cloé eut un collier avec une jolie croix décorée, Léna une boule de cristal et Sami un petit parfum pour hommes. Une fois le déjeuner terminé, on retourna chacun à nos tables. L'après-midi on pratiqua l'écriture de poèmes épiques. Je suis fier de mon premier écrit, et je pense avoir une bonne note ! À six heures du soir, je retrouvai mes amis pour dîner, et juste après la fin il fallut retourner dans nos chambres pour travailler ou dormir, au choix. J'ai un petit devoir d'écriture pour le cours de demain avec la professeur Melpomène, ce sera facile à rédiger mais il faut que je m'y mette. Je te laisse, à demain soir !

Jour 4 du mois d'octobre 201x

Mon Dieu, voilà bien longtemps que je n'ai pas écrit sur tes pages, carnet ! Il faut dire que je suis dans une passe difficile : je n'ai eu aucune note au dessus de dix sur vingt. Que ce soit avec Calliope l'impulsive, Melpomène la stricte, Polymnie la perfectionniste et Thalie la râleuse, mes notes sont à neuf sur vingt dans le meilleur des cas. De plus, mes camarades de classe se plaignent tout le temps. À force d'entendre leur lamentation tout les jours pendant que je suis dernier de la classe, ça me déprime. Je vais devenir le plus mauvais résident de l'orphelinat, et je ne sais pas quoi faire pour m'améliorer. Pourtant j'écris toujours à fond. Le seul commentaire que mes professeurs me donne c'est "Peut mieux faire". D'accord, mais comment ? Il faudrait peut-être que je trouve un élève qui puisse m'aider. Je vais le faire, j'ai un peu de temps avant le dîner. Peut-être à tout de suite !

...

Oh mon dieu... Je ne crois pas à ce que je viens d'assister... Pourtant c'est la réalité ! Je vais tout te raconter.
J'allais à la salle commune de mon étage pour chercher un élève de ma classe, quand je vis la porte de la chambre 315 légèrement entre-ouverte. Ma curiosité m'incita à jeter un coup d'oeil dans le coin. Horreur ! Il y avait une fille qui vomissait un liquide noir, le corps plié en deux. Non loin d'elle, un garçon la regardait, sans rien faire et sans émotions face au spectacle. Je dévalai les escaliers pour avertir au moins une des enseignantes. Je tombai sur Calliope et, dès que je lui rapportai le drame, elle m'accompagna à la chambre. La fille était à présent étalée par terre, inanimée ; tandis que le garçon avait le pantalon trempé d'un liquide bleu. Il chancela. Calliope le rattrapa de justesse puis, après l'avoir allongé, elle m'ordonna d'aller dîner et surtout de ne pas raconter ce drame à qui que ce soit. Je fus contraint d'obéir. Je mangeai peu lors du dîner, écoeuré à cause de cela. Mes amis l'avaient remarqué, mais ils me laissèrent tranquilles, pensant que mes notes me contrariaient. Je fonçai à la chambre 315 juste après le repas. Elle était vide et n'avait plus de traces de liquides noirs et bleus.
Je n'ai pas rêve pourtant ! C'est la vérité, et je vais le prouver un jour ! Mais je tombe de sommeil... La nuit porte conseil. À une prochaine fois, carnet.

Jour 30 du mois d'octobre 201x

L'orphelinat devient sérieusement étrange. La dernière fois que je t'ai parlé de ce "drame"... Eh bien le lendemain personne ne se rappelait des deux élèves ! Pas même un camarade de leur classe... Je suis le seul à m'en souvenir !
Pourquoi ?
Pourquoi tout le monde croit que je deviens fou ? Je n'ai pas rêvé, bon sang !
Depuis ce jour je vis d'autres phénomènes encore plus anormaux. Un garçon a ramené sa batte de base-ball pour "faire intégrer" ses idées à une autre personne à la cantine ; une fille a perdu sa joie de vivre et reste impassible même en la secouant violemment ; un type, désespéré de ne plus avoir d'inspiration, s'est pendu dans sa chambre... Et plein d'autres cas similaires.
Je ne sais pas si le pire ce sont ces faits ou bien l'indifférence des professeurs face à cela. Jamais elles en furent inquiètes. Calliope, quand je lui demandais à part pourquoi elle ne réagissait pas, me gifla avec sérénité et rétorqua que je n'étais pas digne de rester si jecontinuait à poser ce type de question. J'en suis démoralisé...
Mes amis aussi se comportent bizarrement, depuis quelques temps. Hier, Sami s'est battu avec un gars, car ce dernier a tenté de draguer Léna. Pourtant il a eu une dizaine de petites amies en moins d'un mois, leur déclarant qu'il les aimait. Il en attire beaucoup car elles craquent pour son parfum. Mais dès que certains tourne autour de Léna, Sami n'hésite pas à se montrer violent. D'ailleurs, Léna est devenue hautaine et se croit aussi importante que des personnalités historiques : elle fait toujours un discours le midi sur l'avenir, comme quoi il faut agir de telle façon pour que le monde soit sauvé du chaos. Beaucoup font mine de l'approuver, mais juste pour pouvoir la critiquer dès qu'elle a le dos tourné. Sinon, la jolie et douce Cloé... devient une vraie religieuse muette. Elle prie sans arrêt, parle encore moins qu'avant, et surtout elle se demande toujours l'aide de Dieu pour surmonter les difficultés au lieu d'agir ou de nous en parler. Elle a des difficultés en chant avec Érato car elle est presque immobile.
...Moi-même je me sens différent, je l'avoue. J'ai de l'inspiration pour mes poèmes dès que je souffre ou qu'on me blesse moralement. Je me sens naze à cause de mes notes et des événements bizarres, la nuit je songe à mes parents mort. J'espère que ça me passera rapidement...
Je suis désolé, je dois faire mes devoirs maintenant. Je te promet de te donner de mes nouvelles demain.

Jour 1 du mois de novembre

Quelle journée déprimante ! Je n'ai eu que des malheurs aujourd'hui. J'ai obtenu zéro à un poème. Oui, un zéro ! Polymnie m'a même humilié devant toute la classe en le lisant à haute voix. Sami m'a foutu un coup de poing dans le ventre à la cantine en me traitant de porc, qu'il fallait m'égorger, sans m'expliquer la raison de cette violence... Léna a refusé de m'expliquer une notion et m'insulta de"bon à rien". Et Cloé resta sans avis dessus, me conseillant de me remettre à Dieu.
Pour la première fois de ma vie, j'ai séché le cours de l'après-midi. J'en ai marre d'être le bouc émissaire ! Pourquoi ?! Pourquoi cet enchaînement de souffrances !? Et pourquoi j'ai de l'inspiration à cause de ces douleurs ?! ... J'ai besoin de créer un poème. Je suis désolé, c'est plus fort que moi.

Jour 2 du mois de décembre 201x

Je suis un abruti. Je viens de comprendre pourquoi Sami devient violent en me voyant. Ça m'a pris environ un mois de douleurs et de blessures pour saisir. Il est fou amoureux de Léna. Le problème, c'est qu'elle l'évite et qu'elle me parle plus qu'avec lui. Mais j'ai une idée pour me faire pardonner. Je vais aider Sami à lui faire déclarer son amour à Léna, et notre amitié reviendra ! J'en profiterai après pour dire à Cloé que je l'aime. Que je l'aime quand elle fait un léger sourire, quand je regarde ses yeux noisettes, quand elle parle avec douceur, quand... Oups ! Je ne vais quand même pas commencer une idée de poème ! Je dois renouer nos liens amicaux entre nous quatre. Je le ferais demain, au diable les devoirs ! Souhaites moi bon courage, carnet !

Jour 3 du mois de décembre 201x

Oh mon dieu... Qu'ai-je fait ? Je suis un monstre pour avoir engendré ça ! Pourquoi ?! Pourquoi ça a foiré ?!! Mon plan aurait dû fonctionner pourtant !
Un plan ? Mais oui, celui pour que tout s'arrange et que notre groupe redevienne comme avant !
Ce plan, voici en quoi il consistait.
Sami devait inviter Léna dans sa chambre, et s'il hésitait pendant sa déclaration il pouvait m'entendre chuchoter, caché dans son armoire. C'est tout. Sami accepta le plan. Quelle erreur ! Si j'avais su... Bref, passons.
Donc, on mit le plan à exécution. Léna vint à l'invitation, la boule de cristal à ses mains. Sami hésita sur certains mots, je l'aidai en les lui soufflant. Il réussit à le dire, tout rouge. Léna refusa son amour, car elle expliqua qu'elle avait un avenir à protéger et que, pour rester en paix, elle devait rester seule et vierge, accompagnée de sa boule de prédiction.
Et là, tout dégénera. Sami explosa de colère. Il empêcha Léna de quitter sa chambre en l'attrapant par le bras. Elle tenta de s'échapper de la prise, mais en vain. Sami lui donna une gifle, la mettant à terre. Léna tenta de se relever, sa boule de cristal roulant ailleurs. Il récupéra cet objet et avec la frappa sur la tête. Elle retomba au sol, le crâne ouvert. Sami la bloqua au sol et... Quelle horreur ! J'assistais à un viol ! J'hésitai entre risquer ma vie pour stopper cet abominable massacre ou rester à l'abri dans l'armoire. Je suivis le second choix, paralysé d'effroi. Un liquide doré coulait du crâne pendant ce temps. Puis Sami, ayant sastifait ses pulsions, commença à reprendre la raison. Je rejoignai à cet instant là. Calme mais tétanisé, il se rendit compte de ce qu'il avait fait. Alors, il prit Léna dans ses bras et pleura. Ses larmes étaient rouges. Encore ces liquides de couleurs, comme lors du "drame" ! Léna caressa le visage de Sami, lui sourit et tomba inconsciente. Détruit, il ouvrit en grand sa fenêtre et sauta. Je n'eus pas le temps de réagir que j'entendis déjà un craquement. Sami était mort, allongé dans la neige qui absorbait son liquide rouge. Je suis revenu écrire ça, car je crois que je vais devenir fou...
Je ne sais pas quoi faire ! J'ai provoqué ce carnage en croyant faire le bien ! Et comment l'expliquer à Cloé sans me faire prendre pour un psychopathe qui les aurait manipulé ? On tape à ma porte... J'ai peur, mais il faut vérifier qui c'est. Je reviens.


Nuit 4 du mois de décembre 201x (trait tremblant et tâches d'encre)

Quel abruti je suis ! C'était Cloé. Elle me demanda si j'avais vu Léna. A lors, je l'amenai à la chambre pour montrer son cadavre. En voyant ce corps désarticulé, elle ne broncha pas. Quelques minutes passèrent avant sa réaction. Elle prit sa croix, demanda à Dieu de pardonner mon crime et de lui donner la force de surmonter cette épreuve. Alors, elle tomba à genou et pleura en silence. Ses larmes... Elles étaient bleues ! Oui bleues !!! Et le pire, c'est qu'elle souriait, en extase totale ! Puis elle se laissa tomber au sol : son corps n'était plus qu'une coquille vide.
Bravo Joël, bravo ! Tu viens aussi de tuer tes amis, comme tu l'as fait avec tes parents. Mais le pire dans tout ça c'est que, depuis la mort "spirituelle" de Cloé, je n'arrête pas d'écrire de tout et de n'importe quoi. Mon inspiration est comparable à un fleuve : je ne peux pas contrôler son flux, trop puissant à maîtriser. Je ne pense qu'à écrire, écrire, écrire, écrire... J'en ai la nausée, je dois aller vomir aux toilettes...

...

Non, ce n'est pas possible ! J'ai vomi un liquide noir... Qui a le goût de sang ! ... Pourquoi est-il noir ? C'est comme celui de la fille du "drame"... Je n'arrive pas à m'empêcher de le cracher... Et j'ai envie d'écrire un texte sur les morts... ! Que c'est abominable de ma part de me servir de mes souvenirs pour rédiger... Non ! Je dois résister à ce besoin... ! Je m'affaiblis à chaque vomissements... Peut-être vais-je en mourir... ? En fait je préfère y passer moi aussi... Je dois te fermer à clé, comme d'habitude... Je t'ai réservé une cachette dans le matelas, mais d'a ord il faut verrouillé, écrire, verrouiller, écrire, verrouiller, écrire, verrouiller, écr... Stop ! Il est temps que je te dise adieu maintenant... Merci de m'avoir tenu compagnie, je vais les rejoindre... Père... Mère... Sami... Léna... Cloé... Attendez-moi... J'arrive.

"Eh bien, regrettes-tu ce pensionnaire au point de lire son journal intime ? Et en plus en gardant ta capuche ?"

L'homme à la cape se retourna. À l'entrée de la chambre un homme richement vêtu s'adossait au mur. L'homme à la cape retira sa capuche.

"Directeur Drasnor. Ou plutôt Ronsard... Oui, je le regrette beaucoup. Il aurait fallu qu'il s'intègre dans sa salle et non avec les autres. Ses amis n'avaient ni la fureur poétique en eux, ni l'humeur noire dans le sang... Alors que lui si. On a dû trop forcer les mauvaises notes, alors que ses poèmes étaient sublimes ! Il aurait fait un bon poète mélancolique, comme moi quand j'étais jeune...
-Oui, mais c'est trop tard, coupa Ronsard. Tu sais bien qu'un mélancolique n'a que deux choix : le déclic artistique ou le suicide. Il a choisi la seconde option en se vidant de son sang... Comme des centaines dans cet orphelinat, vice-directeur Yalleb, ou plutôt du Bellay."

Ce dernier soupira. Ce gamin, dire qu'il aurait pu devenir un bon leader pour leur projet.

"Allons ! On a tout un établissement de jeunes artistes qui ne demandent qu'à devenir des génies ! Bientôt, nous redeviendrons cette armée d'antan où les gens nous admiraient pour notre finesse d'esprit, au lieu de nous mépriser comme des mendiants de nos jours ! Bien sûr il faudra du temps pour en réunir un grand nombre... Cependant, non seulement cet orphelinat peut contenir des centaines d'enfants, mais nous avons aussi l'aide des Muses, et leur enseignement est parfait. Allez, il faut accueillir les nouveaux arrivants, enlève ta cape et partons les accueillir !"

Ronsard disparu rapidement dans le couloir. Du Bellay, en ôtant sa cape, conserva le carnet dans ses mains : cela leur permettrait d'éviter de nouvelles erreurs, et pour constituer les poètes mélancoliques rapidement. "Merci, et adieu", dit-il en quittant la chambre 333.

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 19:01
J'ai vu des personnes. Elles étaient perdues. Elles ne savaient pas où elles étaient. Elles erraient en elles-mêmes. Perdues dans les tourbillons de leurs esprits.
Et moi, moi je suis là. Dans mon esprit, à réfléchir, à penser, à me souvenir. Des souvenirs horribles. Du genre qu'on aimerait oublier. Mais on ne peut pas. Ils restent, persistent à exister. Ils restent là. Ils vivent avec nous, ils ne nous abandonnent pas. Qui voudrait être abandonné ? Pourtant je veux qu'ils partent. Je le veux de toutes mes forces. Mais rien à faire. Ils m'ont pourchassés toute ma vie durant, pourquoi partir maintenant ?
De toute manière, si je les oubliais, je n'aurais plus beaucoup de souvenirs. Ces horreurs sont malheureusement ma vie. Même maintenant. Elles le seront toujours.

D'abord, mon père, qui découvre que ma mère le trompait avec un de ses collègues. Mais il ne dit rien. Il laisse croire à ma mère qu'il n'est au courant de rien. Il se comporte normalement. La nuit-même, il tua ma mère, et pour faire bonne figure, tua son collègue le lendemain.
Avant de mourir, ils ne savaient pas où ils étaient. Ils étaient tout aussi perdus que les personnes que je vois.

La tête me tourne. Je laisse les années passer. Mon père finit par sortir de prison. Il dit que ce n'est pas de sa faute, que c'était la colère. La trahison de ma mère. D'autres absurdités dans le genre aussi. Mais je suis grand maintenant. Je sais qu'il est devenu fou. Tout comme il m'a rendu fou. Et s'il croit que je l'ai pardonné, il se trompe. Oh que oui, il se trompe. Encore quelques années qui passent. On reprend une vie normale. Mais je lui en veut. Comment ne pas lui en vouloir ?
Et un jour, je l'ai vu. Là, avec cette femme. Une vraie pétasse. Mais "il l'aime" voyons. Il croit pouvoir remplacer ma mère ? Alors qu'elle nous a quittée par sa faute ? Ils habitent séparément. Leur relation est quasi secrète. Les mois passent. Encore et encore, si longs qu'ils en paraissent interminables. Mon père m'annonce qu'elle va devenir ma belle-mère. Je fais semblant d'être joyeux. La nuit même, j'ai pris un couteau, et je lui ai tranché la gorge. Il me regarde dans les yeux.
J'y vois qu'il ne sait pas où il est.

Je cache le couteau. Je l'emporte avec moi. Je fouille les affaires à mon père. Il était étourdi. Il devait écrire l'adresse de cette femme pour s'en souvenir. Je cherche. Encore et encore. J'arrive au bord du désespoir. Et enfin je le trouve. Un petit papier, avec une adresse écrite en lettres rouges.
Je sors. Il fait encore nuit dehors. Comme si quelqu'un me contrôlait, je suis machinalement monté dans la voiture. Je démarre et pars chercher l'adresse. Après un quart d'heure de recherches, je l'ai trouvé. Une chance qu'elle n'habite pas loin. Enfin, une chance pour moi. Tant pis pour elle. J'ai toqué. Plus fort. J'entends une voix derrière la porte. Elle peste et se demande qui peut venir la déranger à cette heure. Elle ouvre, et me reconnaît. Je prends un air attristé. Elle comprends qu'il a dû se passer quelque chose. Elle me laisse entrer.
Je suis assis devant une tasse de thé. Elle me demande de raconter ce qu'il se passe. Mais je reste muet. Elle croit que mon silence signifie quelque chose de grave. Elle me prends dans ses bras et essaie de me réconforter. Comment ose-t-elle ? Je sors le couteau et le plante dans son cœur. Je lui transperce le cœur comme elle et mon père ont brisés le mien. C'est le prix à payer. Elle tombe à la renverse. Elle essaie de ramper, de se débattre.
Elle ne savait plus où elle était.

Je me retrouve ici. A l'ombre d'une pièce fraîche quoiqu'un peu sombre. Les barreaux devant moi m'empêchent de sortir. Mais au moins plus rien ne peut arriver. Je suis enfermé avec personne d'autre que moi pour me tenir compagnie. Et cela suffit amplement. Pourvu qu'on ne me trahisse pas à nouveau. Je ne regrette rien. Je n'ai rien fait sur le coup de la colère. Au contraire, j'étais très calme, et je le suis encore. Elle arrive. Je l'entends. A vous qui lisez ceci. Un jour, vous repenserez à votre vie. Vous pèserez le pour et le contre. Le bien et le mal. Et vous vous apercevrez qu'il y a toujours plus de mal. C'est toujours comme ça. A ce moment là, vous serez renfermé sur vous-même, dans les tourbillons de votre esprit. Vous serez perdus. Vous ne saurez pas où vous êtes.
Elle s'approche de plus en plus. Je l'attends. J'ai fait ce que je devais faire.

Pourquoi est-ce que je vous écrit ça ?



Parce que je ne sais pas où je suis.
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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 07:53

Ce matin là, le café avait un goût délicieux. Il faut dire qu'avec la soirée qu'il avait vécu la veille, " même de la merde de chien aurait le goût du foie gras " s'était il dit en riant. Marcus reprit une gorgée de son délicieux café, et alluma la télé. Il était 9 heures du matin, et déjà les infos repassaient en boucle les évènement de la veille. Hier soir, une fusillade avait éclaté dans un night club de la ville, faisant 3 morts. Marcus vida son café d'une traite, et éteignit la télé, jetant la télécommande sur le canapé. Il n'avait pas besoin d'en savoir plus : il y était.

Marcus était garde du corps dans une entreprise de sécurité qui mettait des gros bras au service de clients fortunés. Bien sur c'était un métier dangereux, mais Marcus était prêt à jouer le jeu. C'était un trentenaire célibataire, d'apparence bourrue dont la carrure le prédestinait à ce métier. Étant enfant, sa grand mère ne cessait de répéter que " cet enfant aidera ses semblables à vivre, en leur faisant don de sa vie ". C'était donc tout naturellement qu'il s'était orienté vers la sécurité privée. Mais ce n'était pas que le goût du risque qui l'avait attiré vers ce métier. C'était aussi l'argent. Il pouvait toucher jusqu’à 8000 $ en un soir, selon l'importance du client. Mais en ce moment, les contrats qu'acceptaient sa boite s'élevaient à hauteur de 1000 voire 1500 $. Elle n'était pas très renommée, et elle ne gagnait pas non plus beaucoup d'argent. Sa situation financière plus que précaire la poussait à accepter n'importe quel contrat, et même les plus délicats. Combien de fois s'était il retrouvé à protéger des dealers et des proxénètes dans les quartiers les plus pourris de la ville ? Il n'avait pas assez de doigts sur ses mains pour les compter. Il n'en avait plus que neuf en fait, son petit doigt ayant été arraché justement lors d'un de ces contrats désastreux.

Le contrat d'hier était l'un d'eux. Lui et deux de ses collègues avaient été assignés à la protection d'un patron de night club à la réputation sulfureuse, Antonio Bernardi. La soirée avait bien commencé et Marcus s'apprêtait à aller aux toilettes lorsqu'un groupe d'homme avait fait irruption dans la boite de nuit en tirant des coups de feu en l'air. La panique était totale. Il ordonna à ses deux collègues de dégager la voie jusqu’à la porte de derrière qui donnait sur la ruelle où leur voiture était garée, pendant qu'il allait chercher le client. Marcus monta les marches qui menaient au bureau de Bernardi, et hurla à ce dernier de le suivre. En sortant du bureau, il tomba nez à nez avec un des hommes qui avaient pénétré dans la boite. Sans aucune hésitation, il pressa la détente de son arme et la tête de l'intrus explosa, retapissant le mur du couloir de sang. Il tira Bernardi par le bras et courut vers la porte de derrière. Entendant des pas derrière lui, il eut à peine le temps de se coucher que des balles sifflèrent à ses oreilles. Il se retourna sur le dos pour faire face à ses adversaires et vida son chargeur sur eux. Leurs corps inanimés tombèrent sur le sol tandis qu'il se relevait. Il sauta dans la voiture, qui démarra en trombe.

Marcus était sous la douche lorsque le téléphone sonna. Il le laissa sonner, savourant l'eau chaude qui coulait sur son visage, jusqu'à ce que le répondeur prenne le relais. Le message automatisé parla de sa voix monotone, et le bip retentit. Marcus reconnut instantanément la voix qui parla juste après. C'était son patron. " Salut Marcus, c'est Chaz. Je voulais te féliciter pour ton boulot hier soir, t'as assuré. Tellement que Bernardi à ajouté 6000 $ à ta paie. 6000 putains de dollars Marcus ! Et t'imagines même pas la pub qu'il est en train de nous faire ! Je crois que la boite va repartir comme avant ! Ah et tant que j'y suis, j'ai euh... Quelque chose à te proposer. Mais je préfère t'en parler de vive voix, passe au bureau cet après midi, salut Marcus ! 6000 dollars put... *CLIK* Marcus sortit de la douche, se regarda dans le miroir et poussa un soupir. Il détestait son patron. Chaz Alvarez, un connard assoiffé d'argent, prêt à vendre sa mère pour un billet. Il retourna dans son salon et s'affala sur son canapé. La journée allait être longue.

Le soleil tapait fort, et l'air était étouffant lorsqu'il sortit de sa voiture. Il n'avait aucune envie de voir son patron, mais il se força à traverser la rue pour entrer dans le petit bâtiment sur lequel une plaque indiquait " Alvarez Sécurité - Vôtre assurance vie ". A peine eût il passé le pas de la porte que Chaz lui sauta dessus : " Marcus ! Mon champion ! Ha ha comment vas tu ? Dure soirée hein ? Rha j'aurais aimé être là, te voir défourailler dans tous les sens ça doit donner hein ? Tiens, ça c'est pour toi mon grand ! dit-il en lui tendant une enveloppe. Tes 6000 dollars ! Tes 6000 put...
- Putains de dollars, je sais, termina Marcus, d'un ton désinvolte. Bon tu m'as pas fait venir ici juste pour me féliciter, alors si tu me disais pourquoi je suis là ?
- Oh, excuse moi, je me suis emballé. Mais tu sais, l'action j'adore ça ! Malgré le fait que j'ai pas tenu un flingue depuis 20 ans et...
Chaz sut en regardant le visage de Marcus qu'il l'ennuyait avec ses histoires. Il s'assit à son bureau, et invita Marcus à en faire de même.
"Bon, Marcus, j'ai reçu un appel ce matin. On à un nouveau contrat. Et pas des moindres. J'ai même trouvé bizarre que ce mec téléphone en personne, surtout ici, faut pas se voiler la face, on est pas la meilleure des entreprises de sécurité privée et...
- C'est qui ? le coupa Marcus.
- C'est... Alexander Burgess. "

Dès qu'il entendit son nom, Marcus sentit comme une décharge électrique secouer son corps, et un frisson remonta lentement le long de sa colonne vertébrale. Il savait qui était Alexander Burgess. Tout le monde le savait en fait. Un entrepreneur, un pilier de la bourse internationale, qui brassait des milliards de dollars. Un homme à qui tout réussit. Il était apparu de nulle part, sortant de l'anonymat du jour au lendemain. Il avait réussi à s'imposer parmi tous les requins de la finance sans même aller à l'université, et personne ne le connaissait il y'à de cela dix ans. Mais ce n'était pas l'évocation de l'homme qui le fit frissonner, c'étaient les souvenirs. Parmi les boites de sécurité privées, on disait que Alexander Burgess était l'homme le plus détesté du monde. Être son garde du corps signifiait mourir . Il ne voyageait pas souvent, mais au moins une fois par an, il prenait la route dans son 4x4 blindé, pour relier New York à Las Vegas. Et chaque année, il louait les services d'une nouvelle équipe de sécurité. Et chaque année, cette équipe mourrait pour lui permettre de vivre. Il y a trois ans, le frère de Marcus, Seth, se trouvait dans une de ces équipes. Et il était mort, comme les autres. Marcus avait fait le deuil de son frère, mais la seule évocation du nom de Burgess réveillait en lui une certaine tristesse.

"Marcus ? Ça va ?" La voix de Chaz le tira de sa torpeur. " Alexander Burgess, il vient cet après midi, je vais vous présenter à lui, toi et les autres. Je sais ce qui est arrivé à Seth mais je te prie de...
- Non, c'est hors de question, ce type est maudit, la planète entière veut sa peau, et je crèverais avant de toucher ma paie alors oublie Chaz.
- Marcus, je sais que c'est dur, mais pense à... Pense à la boite. C'est l'occasion rêvée de renflouer la caisse !
- Tu te fous de ce que je peux penser Chaz, tout ce que tu veux c'est du fric, faire repartir ta boite, t'as que ça dans ta tête où quoi ?
- Marcus, Marcus, ne me chauffe pas sur ce terrain là parce que je te rappelle que c'est moi et donc la boîte qui te paie. Plus de boite, plus de paie. C'est simple Marcus. Je te demande juste d'aller avec lui, tu seras pas seul, tu seras avec...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, la porte d'entrée s'ouvrit.

Marcus reconnut ses collègues Mike, Brandon et Jonathan, trois colosses qui portaient des costumes et des lunettes de soleil. Des clichés vivants pensa-t-il. Il leur adressa un bref salut de la main, et aperçut un homme derrière eux. Il était de petite taille, plutôt rondouillard. Il semblait inquiet, et il transpirait à grosses goutes dans son costume 3 pièces. Il bouscula les colosses et fila droit vers Chaz. Il regardait partout autour de lui, et donnait l'impression qu'il allait crier à tout moment. Il s'adressa à Chaz avec empressement : " Monsieur Alvarez, voici le paiement, et voici l'itinéraire. Vous le donnerez à vos hommes. Je veux qu'ils voyagent dans la même voiture que moi, à aucun moment je ne dois les perdre de vue, et à aucun moment il ne doivent se déplacer sans que je le leur ai ordonné. Compris ?
- Compris monsieur Burgess, dit Chaz en se jetant sur l'enveloppe qui contenait l'argent. Permettez moi de vous présenter vos gard...
- Oui oui, pouvons nous y aller maintenant ? Il avait joint ses mains dans un geste de prière, et continuait de regarder autour de lui frénétiquement.
- Euh... Bien sûr monsieur Burgess. Brandon, Mike et Jonathan seront vos gardes pour le voyage, ils vous ac...
- Comment ?! Trois gardes ?! Mais... Mais je vous avait pourtant BIEN spécifié que je voulais... que j'avais BESOIN de quatre gardes ! Pas trois, quatre ! QUATRE GARDES MONSIEUR ALVAREZ !
Il s'était mis à hurler, et tous dans la pièce le regardaient, stupéfiés.
Chaz essaya de calmer Burgess qui semblait imploser. " Monsieur Burgess, calmez vous, je vous ferai une remise sur le prix, je suis sur que...
- Une remise ? UNE REMISE ? Monsieur Alvarez sachez que je me fout du prix que je devrai payer mais je veux QUATRE GARDES !
- Monsieur Burgess je... Chaz regarda Marcus, et le supplia du regard.
Marcus se mordait l’intérieur des joues. Il était là, assistant à un scène qui paraissait sortir tout droit d'un film, alors que Chaz le regardait. Il se prit soudain de pitié pour son patron. Ce sentiment le surprit. " Je serai le quatrième, dit il d'une voix forte, mais je ne le fais pas pour toi Chaz. Je suis prêt si vous l'êtes, monsieur Burgess. "
Le petit homme rondouillard se tût, et son visage se détendit. Son regard se planta dans celui de Marcus. Il pouvait y lire toute la reconnaissance du monde.

Burgess regarda une fois de plus autour de lui et s’apprêtait à partir lorsqu'un grondement retentit. Le petit homme regarda sa montre, et son visage qui semblait si détendu quelques secondes auparavant, sembla se décomposer. Il sortit rapidement du bâtiment et intima l'ordre à ses gardes du corps de le suivre. Marcus adressa un dernier regard à Chaz, et emboita le pas à Burgess. L'air était toujours aussi étouffant dehors, mais le ciel était pourtant dégagé. Aucun signe d'orage. Burgess fit signe à Marcus et ses collègues de monter dans le 4x4 qui était garé devant eux. Marcus monta devant, sur le siège passager, laissant le volant à Mike. Jonathan et Brandon quant à eux, montèrent à l'arrière, enserrant Burgess entre leurs imposantes carrures. Il avait les yeux fermés, et semblait endormi. Mike régla le GPS pour qu'il indique la direction de Las Vegas, et démarra la voiture. Au bout d'une heure, Marcus tenta d'entamer une conversation. " Ça va monsieur Burgess ? Vous allez à Las Vegas alors. Pas mal pour se d...
- Taisez vous donc, contentez vous d'observer la route ! Je ne vous paie pas pour parler ! " Burgess avait coupé Marcus d'un ton sec, presque agressif. Aussitôt le silence revenu, Burgess ferma les yeux. Soudain, une violente secousse ébranla le véhicule. Mike redressa le véhicule tant bien que mal et s'arrêta brusquement. Immobilisé au milieu de la route, le 4x4 était le seul véhicule à des kilomètres à la ronde. La petite route de campagne que le GPS avait indiqué était déserte. Heureusement, sinon une collision aurait pu être fatale. A l’intérieur, tous se regardaient, sous le choc. Marcus se retourna pour s'assurer que Burgess n'avait rien, mais celui ci avait les yeux rivés sur sa montre. Il était paniqué, et il recommençait à regarder tout autour de lui. Il s'écria << Pouvons nous reprendre la route ? >> presque comme si il allait pleurer. Marcus regarda Mike, qui semblait aussi troublé que lui, et le véhicule continua sa route.

<< C'est pas la route de Las Vegas. >> dit Mike, brisant le silence qui régnait dans le 4x4 depuis bientôt 2 heures. 2 heures après l'étrange secousse qui l'avait ébranlé. Le soleil commençait à se coucher, baignant le paysage alentour d'une lueur orangée. << On est au milieu de nulle part, t'as vu un panneau qui disait Las Vegas toi ? Ce foutu GPS fait n'importe quoi. Et puis pourquoi on prend pas l'autoroute ? C'est vrai quoi merde, en passant par des routes comme ça on en à pour au moins trois jours ! On est perdu Marcus, continua Mike.
- On est pas perdus, c'est un raccourci, lui répondit Marcus. Mr Burgess est quelqu'un de très... ciblé, et il veut éviter les grands axes, n'est-ce pas Mr Burgess ? >>
Il se retourna, mais Burgess ne lui répondit pas. Il avait toujours les yeux fermés, et les mains jointes. Il transpirait à grosses gouttes désormais, et ce malgré la température qui s'était considérablement rafraichie avec le coucher du soleil. Il haussa les sourcils, et se retourna en direction de la route. Une nouvelle secousse remua le véhicule, mais plus faible que la précédente. Mike n'eut pas de difficulté à redresser le 4x4, et Marcus regarda dans le rétroviseur. Pas de nid de poule sur la route. Il ouvrit la vitre, pas de vent. Ou du moins pas assez fort pour secouer un 4x4 blindé de la sorte. Il s’apprêtait à demander à Burgess ce qu'il se passait quand celui ci ouvrit ses yeux et cria << Tournez ici Mike ! A droite ! Dépêchez vous bon sang ! >>. Mike, surpris, obtempéra. Marcus jeta un regard sur le GPS. La route sur laquelle s'engageait le véhicule était un chemin sans issue. Il se déroulait sur 3 kilomètres et finissait devant un champ. << Où allons nous Mr Burgess, demanda Marcus, inquiet. Il n'y a rien ici... >> Burgess avait toujours les yeux fixés sur sa montre, et semblait obsédé par elle. Marcus regarda la sienne, il était 20h46. Mike poussa l'accélérateur à fond, devant l'insistance de Burgess pour qu'il aille plus vite. Les secousses recommencèrent, violemment. Si bien que Mike dû user de sa force pour maintenir le 4x4 sur le petit sentier. Un instant, Marcus pensa que le véhicule allait basculer sur le côté et faire de violents tonneaux, mais rien n'en fit. Burgess semblait affolé, et il pleurait. Il pleurait vraiment, et ses larmes mêlées aux goutes de sueur qui ruisselaient sur son visage donnaient l'impression qu'il fondait. << Il n'est pas encore 21h00 !! Oh SEIGNEUR il n'est PAS ENCORE L'HEURE je peux encore y arriver ! >> criait-il entre deux sanglots. Cette fois, Marcus n'était plus inquiet, ni même surpris, il avait peur. Et à en voir leurs têtes, ses collègues aussi. Les secousses cessèrent dès que le véhicule arriva devant le champ. La nuit était tombée désormais, et seuls les phares du 4x4 perçaient l'obscurité. Devant eux se dressait un champ de maïs, comme on en trouve beaucoup dans cette région. A peine le véhicule immobilisé, Burgess sauta littéralement à l’extérieur. Il courut et s'agenouilla devant le champ. Marcus descendit prudemment de la voiture, c'était lui qui regardait partout autour de lui désormais.

Les 4 gardes s'approchèrent doucement de Burgess, qui était prostré devant le champ de maïs, la tête touchant le sol et marmonnant dans sa barbe. Sa voix était secouée de sanglots, mais Marcus réussit à déchiffrer ce qu'il disait. << Je vous en prie seigneur, il n'est pas trop tard ! Il n'est pas encore 21 heures et en voici 4... Acceptez les ô seigneur... Je vous... >> Il s'arrêta. Le vent s'était légèrement levé, agitant délicatement le maïs. L'atmosphère devenait oppressante, et Marcus se sentait épié. Une odeur parvint jusqu’à lui, et l'enveloppa. Une odeur de gaz, mêlée à une odeur plus nauséabonde. Comme de la chair en décomposition. Marcus avait peur. Le maïs bougea, mais plus rapidement cette fois, et, entre deux épis, Marcus crut voir un visage. Des frissons parcoururent sa colonne vertébrale jusqu’à sa nuque, qui se raidit. Ce visage était blême, pâle et amaigri. Comme... Comme un cadavre. Un cadavre étrangement familier. Comme si il l'avait toujours connu. Le visage qu'il avait entrevu ressemblait à celui de son frère. Qu'est ce qui était en train de se passer ? Il se donna une gifle, essayant de reprendre ses esprits, mais il était comme hypnotisé. Soudain, une voix s'éleva. Elle semblait venir de partout, et elle était si forte que Marcus crût un instant que c'était le tonnerre. << Alexander... Tu as failli arriver trop tard cette année. Sont-elles là ?
- O... Oui, elles sont là, 4, comme vous l'avez demandé, répondit Burgess, le front touchant le sol.
- Tu es misérable Alexander. Mais tu le sais déjà. Il n'y à qu'un être misérable qui puisse vendre chaque année 4 âmes pour sa propre prospérité... J'aime beaucoup ! Ha ha ha ! >>
Le rire de la... chose était terrifiant. Il semblait rouler dans le ciel et naviguer dans les échos. Marcus dû se boucher les oreilles pour ne pas qu'elles explosent. Le rire se tût. La voix semblait maintenant dans sa tête. << Marcus Kendraw, du Milwaukee. Personnalité intéressante... Colère refoulée, deuil... Kendraw... Attends, ça me dit quelque chose. J'ai connu un Kendraw ! Hmm... Seth ? Oui ! Seth Kendraw ! Ha ha un sacré garnement ! Il n’arrêtait pas de te faire des croche pattes quand vous faisiez la course. Mais il te laissait gagner. Ce bon vieux Seth. Tu avais quel âge, 8 ans ? >>
La voix n'était plus du tout terrifiante. Elle était plutôt comme celle d'un grand père qui raconte ses souvenirs à ses petits enfants. Mais malgré ça, Marcus était terrifié. Il n'osait dire mot. << Tu te demandes comment je sais ça, et qui je suis ? C'est légitime. Je suis l'éternel, j'égorge l'agneau égaré dans la vallée de la mort, je suis le clou dans les membres tremblants du Christ, celui qui régnera sur cette terre bla bla bla... Très mélodramatique n'est ce pas ? J'aime assez. J'ai répété beaucoup avant d'en arriver là, et je dois avouer que ça fait toujours son petit effet, dit la voix avec un petit rire. Je suis le Diable, Marcus.>>

Cette dernière phrase avait sonné comme une menace. Marcus était paralysé. Il aurait aimé fuir à toutes jambes, mais il ne les sentait plus. La seule chose qu'il sentait encore était le liquide chaud qui coulait le long de ses jambes. C'était donc ça. Toutes ces morts, chaque année. Alexander Burgess n'était pas détesté, il était vendu. Vendu au Diable. L'homme rondouillard qui était sorti de nulle part, devenu le plus grand de la finance, n'était là que grâce aux dizaines... ou aux centaines d'âmes qu'il avait livré au Diable. La pensée que Seth faisait partie de ces âmes arrachées lui retourna l'estomac. Il tourna doucement la tête, et vit tout d'abord Mike s'effondrer sur le sol, hurlant de douleur. Puis vint le tour de Jonathan, et celui de Brandon. Ils se roulaient par terre en hurlant à la mort. Marcus vit un éclair blanc qui l'aveugla. Il sentit une douleur intense s'emparer de lui. Comme si son corps se déchirait de l’intérieur. Il tomba au sol, et doucement, la douleur s'éloigna, et l'obscurité l'envahit. Et puis plus rien. Le néant. La dernière pensée qui lui traversa l'esprit fut les mots de sa grand mère. " cet enfant aidera ses semblables à vivre, en leur faisant don de sa vie ".

Burgess releva la tête, et écouta. Le vent soufflait doucement dans les feuilles des arbres, et le maïs ondulait au grès de la brise. Le silence était complet. Il se releva, et regarda autour de lui. Il était seul, devant le 4x4, dont les 4 portes étaient encore ouvertes. Les colosses qui lui avaient servis de gardes du corps avaient disparus. Burgess essuya une larme du revers de sa main, et monta dans le véhicule. Il enclencha le contact, alluma la radio. << Vous écoutez GH Radio, il est 21h10, nous sommes le 18 mai, et tout de suite un bon vieux classique de nos jeunes années, AC/DC et " Highway to Hell " ! >> Burgess éclata de rire. Il resta là, plié en deux sur le siège conducteur, à s'esclaffer, pendant 5 bonnes minutes. Il éteint la radio, et le 4x4 s'éloigna dans l'obscurité, regagnant la route et laissant derrière lui le champ de maïs. Jusqu’à l'année prochaine.

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 07:50

"Putain, il est déjà 2 heures du mat' ?"



Ça, c'était moi, un samedi soir, ne sachant pas trop quoi faire de ma soirée. A vrai dire, tous les soirs c'est la même routine : je squatte mon ordinateur portable avec la télé allumée. Je parle à des amis Skype, et généralement vers les 1h du mat', je les lâche pour regarder d'autres trucs sans trop qu'ils me dérangent. Suite à ça, je regarde des trucs sur le paranormal, des vidéos, ce genre de truc quoi. Parfois j'y crois, parfois c'est plus difficile. En gros, c'était une soirée ordinaire et je me faisais littéralement chier. Ouais, j'aurais pu aller me coucher, mais j'avais pas sommeil, et j'avais juste pas envie. Une fois n'est pas coutume, j'ai décidé de regarder un peu les chaînes sur ma télé.



Après être tombé sur du tout et n'importe quoi, je m'arrêtai brusquement sur une chaîne lointaine, vous savez, ces chaînes étrangères quoi, où tu comprends que dalle. Bon pourquoi je me suis arrêté ? C'était une séance d'hypnotisme, et apparemment, le téléspectateur pouvait tester tout en restant confortablement installé sur son canapé. Pourquoi pas, ça pouvait être marrant, même si je n'avais d'aucune idée de ce que en quoi le type pourrait bien nous transformer. Sûrement un truc stupide du style un poulet, un canard ou un ornithorynque, haha. Donc, l'hypnotiseur a sorti une sorte de... Spirale, qui tournait. Je fixais lentement la chose, même si la musique derrière était très dérangeante, une sorte de berceuse qu'on aurait accéléré, un truc du genre. Je fixais attentivement la chose, quand un claquement me réveilla et...



Rien ne s'était produit. Rien n'avait changé en moi mais... La télé était bizarrement éteinte. Je n'ai pas cherché à comprendre, j'étais super fatigué, j'avais du mal à garder les yeux ouverts. Du coup, je me suis dit que je m'étais endormi pendant la séance, mes parents étaient rentrés de leur soirée et avaient éteint la télé sans me réveiller. Je me suis levé, et j'ai regardé l'heure : 2h15 ? Il était impossible qu'ils rentrent si tôt ! L'hypnotisme s'était passé il y a seulement quelques minutes ! J'essayais de trouver une explication logique, quand on toqua à ma porte. Cela ne peut paraître rien en temps normal, mais bordel, je rappelle qu'il était 2h du mat' quand même. Avec une certaine hésitation, très prudent, j’entrouvre très légèrement la porte. Personne. Je suis sorti pour regarder aux alentours, mais non, personne dans les environs. J'ai dû rêver à cause de la fatigue je me suis dit. J'allais rentrer quand quelque chose me glaça le sang.



Il était là. L'hypnotiseur. A une trentaine de mètres de devant chez moi. Avec ses longs cheveux blancs et ses lunettes de soleil. Il avait encore sa spirale qui émettait la même musique flippante. Je suis vite rentré en courant, j'ai fermé toutes les issues possibles. Après ça, je me suis dit que j'ai dû grave délirer encore une fois, j'ai moi-même rigolé de ma stupidité. Franchement, qui peut croire à ces conneries, sérieusement ? Je suis monté me coucher, j'étais crevé comme pas possible, et ça se ressentait. En montant dans ma chambre, ma fatigue se sentait de plus en plus, c'était vraiment bizarre, comme si mes pas étaient de plus en plus lourds. Je me suis directement couché avec mes habits, et je me suis endormi. Enfin, j'ai "essayé". Quelque chose m'empêchait de dormir. Quelque chose dans ma tête. J'entendais cette musique, elle se jouait en boucle dans ma tête. Mais après m'être concentré, j'ai remarqué quelque chose... Cela ne venait pas de ma tête, mais de ma chambre ! Je me suis levé aussi vite que possible, et je l'ai vu. Dans un coin de ma chambre, il se tenait debout, me fixant attentivement, souriant du coin des lèvres. J'ai crié, je suis sorti de ma chambre pour descendre, mais il m'attendait en bas. Impossible ! J'ai regardé dans ma chambre, rien, je me suis retourné vers les escaliers mais... Il avait disparu.



Je paniquais sévère. Je veux dire, c'était trop réel pour que ce soit une illusion. J'étais sûr que tout ça était vrai ! Sans attendre, je suis descendu pour sortir de ma maison, mais elle ne s'ouvrait pas ! Les clés étaient sur la porte quand j'avais fermé tout à l'heure, j'en suis sûr... Malgré mes efforts, je ne suis pas arrivé à l'ouvrir. Je me suis senti observé, en permanence. L'ambiance devenait de plus en plus oppressante, c'était l'enfer. Je pensais le voir de partout, je ne pouvais pas me cacher, j'étais piégé. Je cherchais désespérément une planque, un moyen de partir d'ici, il fallait juste que je me sorte de cette emmerde. D'un coup, je me suis souvenu : Dans notre garage, il y a une porte de sortie, qu'on bloque avec une planche. C'était mon seul espoir, je devais y aller !



Je courus vers mon garage. Je ne me suis pas arrêté une seule fois. Même si il y avait eu cet homme devant moi, je suis sûr que j'aurais quand même continué. J'allais chialer, je suis sérieux, je savais que j'étais en danger. J'ouvre la porte qui mène au garage, et m'y voici. Il fait sombre, je n'y vois rien, mais je sais où me repérer pour trouver la porte. J'avance lentement, le silence était pesant, à chaque son qui se faisait entendre, je sursautais. Mais finalement, il n'y était pas. Rassuré, j'ai déplacé la planche de bois, je m'apprêtais à ouvrir la porte, quand un son se fit entendre. Une mélodie. Cette foutue berceuse dégueulasse. Je l'ai vu devant la porte qui menait à la maison. Toujours souriant. Je me suis retourné et ouvris la porte. Il était derrière cette porte, et sans que je puisse faire quoi que ce soit, son visage se déforma et il se jeta sur moi !



... Et je me suis réveillé. J'étais assis, les yeux grands ouverts, la télé allumée. Il y avait cet hypnotiseur qui était applaudi par une centaine de personnes. Ce n'était qu'un "rêve", c'était vrai, le type m'avait juste hypnotisé. Tout ceci était si réel, mon dieu, c'était horrible. J'ai éteint la télé, rassuré, et je me suis levé pour prendre à boire.



Mais quelque chose d'inattendu se produisit.

Un son s'est joué derrière moi.



C'était cette foutue berceuse.


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