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11 septembre 2011 7 11 /09 /septembre /2011 21:23

Il s'agit d'une vieille, très vieille maison.

Elle existait déjà avant même que Saint-Tropez ne devienne une grande ville.
Rénovée à plusieurs reprises, elle tient encore bien la route.
Cette demeure est la propriété de la famille Stenwell, installée sur la côte depuis des générations.
L'arrière-grand-père avait même connu les premiers propriétaires, ceux qui avaient construits la maison.
C'était une fort belle bâtisse, loin du manoir mais fort respectable néanmoins, tenant sur trois étages, avec grenier et caves sur deux niveaux.
Les grandes ouvertures donnaient à chaque pièce de la maison une luminosité exceptionnelle.
Un balcon entourait le dernier étage, et la maîtresse de maison avait décidé de l'orner presque entièrement de fleurs aux couleurs vives.
Entourée d'un modeste jardin, la bâtisse était située en plein centre ville. En fait, c'était la ville toute entière qui s'était construite autour de cette maison.
Les propriétaires ne gagnaient pas des fortunes, mais cette dernière génération était particulière.
Autrefois, toute la famille envahissait l'ensemble des pièces de la maison.
Les enfants logeaient au dernier étages, les parents au premier, et enfin les ancêtres occupaient le rez-de-chaussée.
Il faut savoir que chacun des étages était presque indépendants: installations sanitaires, cuisines, séjour...
Mais avec les années, comme partout d'ailleurs, la famille s'était dispersée.
Seuls restaient dans la maison familiale Richard et Andrea Stenwell, la cinquantaine, et leur fils Louis.
Les ancêtres tenaient à présent en maison de repos.
Les pièces jadis occupées par les rires des enfants et des vieillards l'étaient par divers loisirs... Salle de billard, salle de télé, salle de gym, etc...
Les parents avaient un revenu relativement modeste, aussi l'entretien de la maison se faisait sur plusieurs années.
Cette année, les Stenwell avaient fait refaire deux fenêtres à l'étage, ainsi que le plancher de la cave (du haut) plus récemment.

Le fils Stenwell aimait à se reposer dans la cave, au niveau le plus haut des deux, dans lequel il s'était aménagé une chambre secondaire de fortune.
Mais comme la plupart des adolescents, un lit, un bureau et surtout un ordinateur lui suffisait.
Il était de nature réservée.
A l'école, nombreuses étaient les humiliations.
Comme tous les jeunes adultes timides et sensibles, il subissait brimades et moqueries à longueur de temps.
Mais il savait que cela ne durerait qu'un temps, le temps que la tolérance gagne les jeunes esprits en quête désespérée d'affirmation de soi de ses camarades...
Ce qu'il aimait, par-dessus tout, c'était donc l'idée de se retrancher un peu du monde.
Et cette cave , parfaitement aménagée comme n'importe quel autre étage de la maison (au tiers de la taille cependant), l'isolait comme un bunker, remplissant à la perfection ce rôle d'abri anti-humanité.
Il était rangé, aussi il assurait lui-même le ménage dans cette partie de la maison.
Ce qui fit qu'au bout de quelques mois, ses parents ne voyaient plus aucune raison de vérifier la bonne tenue de la pièce, le laissant seul et unique être humain à y entrer pendant plusieurs mois.

C'était son petit coin à lui, loin des tumultes du monde.
Quelques magazines au sol, une paire de bouteilles d'eau, un téléviseur, deux consoles de jeu et son sac avaient rejoints le mobilier à cette rentrée scolaire.
Au début, il se contentait de longues heures connecté sur le net, le rétro-éclairage de l'écran pour seul éclairage dans la grande pièce sans fenêtre et aux murs blancs.
Puis il avait commencé à s'intéresser à l'étage du dessous, le plus bas de la maison.
Il captait tout son intérêt car cet étage était vraiment retranché du monde, et séparé de sa chambre secondaire par plus d'un mètre de pierres.
Seulement, il était difficile d'y emménager en l'état.
Elle servait à une lointaine époque de cave à vin, mais depuis que ses parents avaient repris le flambeau, eux qui ne buvaient pas, il n'y avait rien d'autre ici-bas que quelques caisses et autres vieux coffres remplis d'histoire.

Quand on se trouvait dans cette pièce on n'entendait pas le moindre bruit.
Il y régnait véritablement un silence de mort, aucun son ne perçait l'épaisse couche de roche.
En fait, Louis avait pensé y installer un ampli pour guitare à une époque où il s'était intéressé à la musique, mais avait vite abandonné l'idée.
Les murs de vieille pierre laissaient filtrer de nombreux insectes ça et là, qui menaient leur vie sans trop envahir la cave.
Faute d'aération efficace, l'air était assez peu renouvelé, aussi y dormir ou y passer de longues heures était assez compliqué.
Dans le coin nord-est de la pièce, éclairée par un modeste néon, une faille ouvrait un trou vertical profond mais étroit.
Depuis des années, on pouvait y voir, à l'aide d'une lampe de poche, de monstrueuses araignées y mener une existence paisible.



Louis avait beau réfléchir, il savait bien que cette pièce resterait en l'état, faute de moyens.
Alors il s'intéressa de plus près à la fameuse faille.
Il remarqua qu'en enfonçant un bâton dedans, de belles araignées aux motifs et couleurs inédites s'enfuient, paniquées.
Il les écrasa sans ménagement, à l'exception d'une seule, toute blanche et aussi malsaine que magnifique.
Après une longue hésitation, il la nomma Whity, et l'enferma dans un vieux pot de moutarde.
Sans trop qu'il comprenne pourquoi, elle mourut quelques jours plus tard.
Il avait pourtant bien veillé à laisser passer de l'air, et lui avait fourni plusieurs moucherons qu'elle n'avait même pas regardé.

Puis arriva un vendredi assez spécial.
Un des élèves de son lycée le frappa, Louis se défendit mais se fit violemment agresser par les amis de son camarade.
Il rentra à la maison avec une côte brisée et le visage ensanglanté, couvert de marques qui pour certaines ne partiraient plus.
L'affaire fut portée aux oreilles de la police qui sanctionna gravement les parents de ses agresseurs, qu'il ne revit jamais.
Cependant, cet épisode avait ouvert dans son cœur une brèche ouverte à la haine.

Une nouvelle fois, quelques jours après, il saisit un bâton pour déloger quelques insectes à torturer.
Puis il se lassa et se mit en tête de les tuer toutes.
Il essaya d'abord avec un aspirateur mais sans succès, puis à l'aide d'un pistolet à eau remplit d'eau de javel.
Lors de cette deuxième tentative, plusieurs arachnides sortirent, d'un genre qu'il n'avait jamais vu auparavant.
Leur corps étaient vraiment bien plus gros que leurs pattes, presque aussi gros qu'un œuf de caille...
Ce qui ne les empêchait pas d'être rapides.
Il tua aussi vite qu'il put les déserteuses, mais l'une d'elle parvint à accrocher sa main et le mordit.



Pris d'une vive douleur, il retira aussitôt son membre endolori et se vengea d'un violent coup de pied.
Le jeune adulte se précipita à la salle de bain du rez-de-chaussée et appliqua un désinfectant avant d'observer la blessure.
Il y avait deux points très larges et très nets, ce qui le faisait saigner abondamment. Fort heureusement, ce n'était pas très profond.
Dans les heures qui suivirent, il réfléchit à une solution rapide et efficace pour détruire ces nuisibles définitivement.
Alors que sa blessure le démangeait encore, il s'empara de son pistolet à eau et le remplit d'essence, projeta abondamment le liquide inflammable dans la faille, et y jeta une allumette.

Ce qu'il entendit alors fut le son le plus horrible de son existence.
Comme un millier de crissements, aigus, mêlés aux abdomens qui explosent sous la chaleur comme autant de maïs à pop-corn,
et une odeur inconnue mais très désagréable.
La fumée envahit malheureusement la pièce trop rapidement et il dut partir, en prenant soin d'arroser copieusement la faille de sable et de terre jusqu'à presque entièrement la combler.

Le lendemain, quand il revint, l'odeur ne s'était pas encore dissipée, mais la fumée si. Il put voir ça et là de nombreux cadavres d'arachnides joncher le sol, les pattes repliés dans une douleur morbide.
Toute la nuit durant, sa blessure l'avait démangé, et au matin elle avait pris une sale couleur violette.
C'est pourquoi sa première réaction devant le théâtre de son massacre fut d'écraser les cadavres de ses victimes, comme pour les tuer une fois encore.



Le midi, il parla à son père de l'incident. Celui-ci se fâcha, puis décida de le sanctionner.
Il devrait lui-même reboucher la faille avec du plâtre, qu'il paierait de sa poche, et nettoierait totalement la cave.
Il mit le week-end tout entier à s'acquitter correctement de sa dette.
Fort heureusement, sa main ne le faisait plus souffrir.
Le dimanche au soir, en retirant son pansement, il s'aperçut même qu'elle avait presque totalement disparu.
En revanche, il ressentait une certaine douleur au ventre, certainement une réaction suite à la fumée de l'avant-veille.

Il était content d'avoir rebouché la faille, finalement.
Cela permettrait peut-être de remettre au goût du jour l'aménagement de la pièce.
Le midi d'un jour de semaine où il mangeait avec son père, il aborda la question.
Louis proposa d'aider à l'installation d'un système d'aération moderne,
ce que son père refusa aussi sec: naturellement, il y avait d'autres priorités, comme par exemple de faire changer la porte d'entrée massive qui commençait à sortir de ses gonds...
L'adolescent voulut argumenter, mais fut pris d'une quinte de toux.
Il toussa de plus en plus violemment, jusqu'à éjecter une sorte de gelée blanche.
Il n'avait jamais vu ça auparavant. Son père lui recommanda simplement de mâcher plus longuement avant d'avaler, ou bien il finirait par s'étouffer pour de bond.

Le soir, cela le reprit.
Alors qu'il jouait à son jeu en ligne favori, il fut contraint de quitter le clavier plusieurs minutes avant de parvenir à reprendre sa respiration.
Sa toux lui faisait toujours expulser cette curieuse matière granuleuse, qui commençait à virer au jaune...
Inquiet, il décida de boire une tasse de chocolat bien chaud avant d'aller se coucher tôt cette nuit-là.

Au milieu de la nuit, il fut réveillé par une nouvelle quinte de toux.
Il mit longtemps avant de pouvoir reprendre sa respiration. Trop longtemps.
Il faillit se trouver mal au moment où enfin il expulsa une sorte de masse noire, beaucoup plus volumineuse que les autres.
Intrigué, il l'observa de très près...

Horreur! La chose avait des pattes! Huit, plus précisément!
Il avait lu qu'il était possible d'avaler des araignées dans son sommeil, aussi il décida de quitter la cave sans même prendre la peine de réveiller ses parents, dans l'instant même.

Puis il s'endormit plus paisiblement.
Il ne sentait plus du tout son œsophage obstrué, et n'avait plus aucune douleur au ventre.
Mais une nouvelle fois, son rêve se métamorphosa en cauchemar quand il fut pris d'éternuements, le réveillant immédiatement.

Allumant la lumière, il découvrit près de son oreiller... Une nouvelle araignée. Mais bien vivante, cette fois.

Louis commença à se sentir vraiment mal. Sa gorge s'obstruait encore, et bientôt il expulsa un nouvel insecte.
Et cela recommença immédiatement après, encore et encore... Il n'en finissait plus de tousser.
A bout de forces, manquant d'air, il tenta désespérément de joindre la porte, mais n'y parvint pas, et s'écroula sur le sol froid.
Pendant les heures qui suivirent, il sentit les araignées envahir tout son être.
Aucun mot ne saurait décrire l'horreur qu'il vécut alors.
Même l'imagination trouve ses limites quand il s'agit de ressentir des dizaines d'insectes puiser dans votre chair pour nourrir sa progéniture...

Ce n'est que trois jours plus tard que les Stenwell, inquiets de ne pas voir leur enfant, et le croyant toujours dans son appartement à la cave, le découvrirent, gisant près de la porte de sa chambre à l'étage.

Les araignées avaient envahis la pièce, et presque entièrement dévoré le corps de leur fils.
Saisis d'horreur, ils condamnèrent les caves, y faisant couler une grande quantité de béton, et vendirent la maison pour une bouchée de pain.

Cette histoire est célèbre dans la ville (les noms ont été changés).
Il est vrai que certaines espèces d'araignées ont la capacité de pondre leurs œufs dans le corps d'animaux afin de laisser leur progéniture la dévorer,
de la même manière que d'autres espèces d'arachnides dévorent leur propre mère à la naissance.


 

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commentaires

P
train
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C
le plus étrange c'est que l'araignée qui l'a mordu est une araignée bolas son venin tue en 3 minute
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